Avis à qui, aigri, sonnerait l'hallali du bijou La La Land:
Dans ce monde de chansons et de sons à part, tout est sensibilité.
Il faut voir ce film et écouter ses musiques dans un état d'esprit particulier.


La La Land plaira aux cinéphiles,
La La Land plaira aux mélomanes,
La La Land plaira aux poètes,
La La Land plaira à tous ceux-là comme à ceux qui sont tout cela: les assoiffés de films musicaux.
Ainsi qu'aux autres...


Car
La La Land n'est pas la seule résurgence du film musical de grandes époques aujourd'hui révolues,
La La Land n'est pas le grand renouveau non plus:
La La Land, c'est la perfection d'un bon juste milieu
entre très jeune et très vieux.


Comme ses références - Jacques Demy, Fred Astaire et bien d'autres - La La Land peint le monde :
il joue sur les couleurs pour faire de son environnement un tableau signifiant.
Signifiant car il livre de très belles musiques qui ne sont pas juste des musiques.
Plus que jamais, les paroles chantées se font dialogues et n'empiètent pas sur des répliques prétextes, introductrices de quelques mélopées.
Plus que jamais, les scènes parlées sont justifiées, les scènes chantées et dansées aussi.
Le réel s'identifie à un jeu réaliste, le rêvé, le suggéré, le remémoré, le fantasmé se traduisent par le chant et la danse.
A l'image de cette superbe scène d'incipit qui vaut son pesant d'or, sorte de court-métrage à elle seule, porteuse d'un message tout autre que celui du reste du film et pourtant si semblable.
Une scène quotidienne, bien réaliste, de bouchons où l'on s'ennuie, où l'on râle, où l'on se fâche. Et soudain, la magie du rêve opère: les êtres redeviennent des êtres et s'élancent hors de leurs véhicules, s'emparent du lieu morne et exaspérant pour en faire une piste de danse, pour en révéler la beauté solaire et pour libérer la parole qui, bien-sûr, est chanson.
Signifiant aussi en raison d'une musique qui obtient un véritable rôle, qui est porteuse de sens.
Another Day of Sun vrombit pour annoncer la puissance de la joie et de la vie quand City of Stars rappelle à la tristesse, l'amertume ou la mélancolie ... A Lovely Night fait naître l'amour quand Fools who dreams - la chanson de l'audition - appelle au rêve et à l'accomplissement de ce rêve.
Signifiante musique, jusque dans les simples sons du quotidien qui se font autant de satellites tout aussi signifiants et brutaux, car ils sont heurts et rappels à la réalité: la sonnerie du portable, la sonnerie de fin de cuisson, le klaxon ...


La La Land semble dire à son spectateur:
" Hey! Réveille-toi! Tout est musique!
Hey! Ecoute bien: seul le rêve est réalité, alors accomplis tes rêves, ne donne pas dans la fausse note ! "


Car les phrases que l'on dit et redit pour exprimer nos rêves, les laisser dans l'irréel inaccompli, sont aussi des mélodies mais des mélodies fausses: "Quel enfant sourd ou quel nègre fou nous a forgé ce bijou d'un sou qui sonne creux et faux sous la lime?", s' interrogerait Paul Verlaine.


Verlaine, l'auteur des Romances sans paroles, créateur et promoteur de la "chanson grise".
Verlaine dont l'ombre plane sur les musiques de La La Land: des musiques comme les siennes, qui parviennent à capter l'esprit pour l'emprisonner et le ramener dans le souvenir. Des musiques, gardiennes de vestiges de sensations passées, impossibles à atteindre sans elles ...


Des musiques qui transportent d'un hiver ensoleillé à l'autre, plus noctambule, à travers de nombreuses scènes d'été et d'automne.
Et parmi elles, City of Stars et la scène-clef du film, lorsque l'observatoire Griffith s'ouvre sur le cosmos étoilé vers lequel s'envolent en dansant un couple romantique.
Pourquoi lisez-vous "romantique" comme si c'était un gros mot?
City of Stars, belle périphrase pour Hollywood, belle syllepse de sens où les actrices, les jazzmen côtoient les astres les plus éclatants...
City of Stars, aux accents gnossiens d'un Satie que le Duke Ellington aurait revu et réinventé ...


Duke Ellington qui a su inspirer le roman dont on retrouve bien des éléments dans La La Land.
Oui, je l'assume!
La La Land est une histoire vraie puisqu'elle a été imaginée d'un bout à l'autre.
La La Land est un Ecume des jours des temps modernes.


N'y reconnaissez-vous pas ce jaune, ce bleu, en tous lieux comme éclaboussés?
La La Land n'est pas que musique, La La Land est aussi visuels. Et quels visuels!
Entre les descriptions de Boris Vian et la poésie des affiches de Midnight in Paris ou Cézanne et moi.


N'y entendez-vous pas du jazz, une défense du jazz, de ses significations, de la métaphore qu'il livre de la vie née du hasard et toujours plus hasardeuse encore?
Ce même jazz qui trône dans l'oeuvre de Boris Vian.


Ne voyez-vous pas que le monde de La La Land est impossible à contextualiser, toutes époques confondues, mi-aujourd'hui mi-sixties?
N'avez-vous pas cette impression d'avoir pénétré le monde imperceptiblement poétique dans lequel évoluaient Colin et Chloé? L'univers semblable, mais soumis aux folies de Damien Chazelle, où luttent pour survivre artistiquement Sébastian et Mia ? Celui frankenstein des Demoiselles de Rochefort, des Parapluies de Cherbourg, de Chantons sous la pluie, galvanisés par l'électricité jazzie chère au parolier de Barcelone, du Déserteur, de Fais-moi mal, Johnny et de J'suis snob ?


Qu'on le fasse naître de Vian, d'Ellington, de Verlaine, de Demy, d'Astaire, une chose est certaine:
La La Land est avant tout un ars vivendi qui dit: chante, danse, rêve, accomplis tes rêve et il y aura toujours un autre jour ensoleillé !


"Il y a seulement deux choses: c'est l'amour, de toutes les façons, avec des jolies filles, et la musique de La Nouvelle-Orléans ou de Duke Ellington" et surtout "de la musique, avant toute chose" !

Frenhofer
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le 14 mai 2017

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Frenhofer

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