Il me tardait de découvrir Jane Campion et sa Leçon de Piano, sa soi-disant meilleure réussite aux moult récompenses.
J'en suis ressortie avec le sentiment du "ç'aurait pu être bien, mais c'est raté". Peut-être vais-je préférer tous ses autres films sans jamais comprendre pourquoi celui-ci est autant encensé.

Par où commencer ? Par le seul passage que j'ai apprécié, je vais quand même faire cet honneur.


Une seule scène m'a réellement émue, de par la poésie et la simplicité d'un moment pourtant si loufoque entre une mère et sa fille, fraichement abordées sur une plage d'un pays inconnu à la nuit tombée, au milieu de leurs meubles échoués et de leur vulnérabilité.


Pour le reste, je n'ai plus de fleurs à lancer. Je dois déjà avouer que les chapeaux de la mère et de sa fille m'ont instantanément fait penser à Amélie et Amélia Jacasse des Aristochats. Sauf que je préfère de loin Amélie, Amélia et les Aristochats.


Ensuite, Ada (Holly Hunter), le personnage de la mère, insupportable dès les premiers instants, grognasse bien que muette, incapable de faire preuve d'un tant soit peu d'amabilité ou de reconnaissance tout du long. Sans que quoique ce soit dans le traitement de son personnage ne justifie ou ne rattrape un tel comportement. Autant vous dire que je n'ai pas ressenti une once de proximité ou d'empathie vis-à-vis d'elle, ce qui est dommage lorsqu'elle constitue le personnage central.


Par ailleurs, j'ai été outrée de la représentation de la population maorie dans ce film. Je ne pensais pas possible de les représenter de façon si primitive et dénuée de nuance au beau milieu des années 1990, surtout de la part d'une cinéaste néo-zélandaise. Je comprends qu'il faille remettre le scénario dans son époque, mais ce qui m'a troublée est que ce n'est pas uniquement du point de vue des personnages que les Maoris se font dénigrer, c'est également du point de vue de la réalisation.


ATTENTION SPOILER


Parlons maintenant du point d'ancrage du film : la reconquista par Ada de son piano abandonné sciemment sur la plage par son nouveau chic de mari. Ce dernier, Alistair (Sam Neill), demande aux Maoris de transporter tous les meubles de sa femme sauf le piano. A quel moment ce choix est-il réellement et profondément justifié ? Car remobilisons les acquis : oui on a compris que la grognasse était muette et que les cordes du piano étaient la transposition de ses cordes vocales ; oui on a compris que le piano représentait toute sa vie, ce pourquoi elle l'a fait venir d'un continent à l'autre ; oui, on a compris que c'était un élément éponyme. En revanche, non, on a pas compris pourquoi un type qui avait hâte de surfer sur une idylle avec sa nouvelle femme refusait de faire transporter ce à quoi elle tient le plus mais préférait le laisser croupir sur une plage ; non, on a pas compris à quel moment ce type s'était dit qu'il allait gagner les faveurs de la grognasse en agissant de la sorte sachant que c'est son but durant tout le film.


Pour faire court, il n'y a aucune profondeur dans le scénario ou les interactions entre les personnages ; on passe de tout à rien, tout le temps. La sensibilité est survolée à chaque instant alors même qu'il y a véritablement un potentiel dans ce scénario, on devine le cheminement du film d'emblée, mais comme Jane ne veut nous emmener nulle part, ce n'est que de la déception continuelle. Conséquence de quoi, aucune émotion ne m'a traversée durant deux heures, si ce n'est un agacement grandissant envers les personnages et leur absence de traitement.


Le scénario veut maintenant que Baines (Harvey Keitel, pas convaincant pour un sou), l'illettré qui a un peu trop traîné avec les Natives, négocie de récupérer le piano avec le mari (qui n'a visiblement toujours pas conscientisé l'importance de ce piano pour sa femme) pour en faire l'objet d'un chantage sexuel avec Ada. Et j'ai une fois de plus été très agacée, car j'ai une fois de plus vu le potentiel du film s'évaporer. Certaines personnes critiquent le fait que le film aboutisse sur l'attirance réciproque d'Ada envers Baines alors même que c'est un pervers Bac+12, juste parce que ça vient trémousser leurs petits codes moraux bien implantés telles des oeillères. Ce qui m'a personnellement dérangée, c'est qu'à aucun moment on ne ressent le cheminement de la réciprocité de cette attirance. On passe de la grognasse dégoutée et outrée à la grognasse raide dingue sans savoir pourquoi ni comment. Et on y passe vite, c'est ça le pire. En parallèle, on passe d'un pervers Bac+12 à l'illettré sensible, la main sur le coeur, qui lui fait une déclaration en larmes avant de lui claquer littéralement la porte au nez, sans qu'on sache trop pourquoi. Sans parler de la môme, qui ne supporte d'abord pas son beau-père, puis qui se met sans raison à l'appeler papa et à dénoncer sa mère auprès de lui.


Et parlons-en, de cette môme ! Car la mère est muette, fallait-il autant compenser avec la gamine ? Elle jacasse tellement, dans tous les sens, de façon si irritante... Jamais je n'ai développé une once d'affection pour elle ou pour sa grognasse de mère. Sans parler du moment où sa mère la missionne de remettre un cadeau à son pervers préféré, et qu'elle décide finalement d'aller le remettre à son beau-père - on a toujours pas compris, vingt-neuf-ans après, comment elle en est venue à trahir sa mère pour lui. Manque de peau, à cause de la petite garce, maman va se faire hacher menu l'index droit par son chic de mari. Une fois de plus, aucune once d'émotion ne m'a effleurée dans cette scène tant la platitude et le manque de développement de tous les personnages m'énervaient.


D'abord le mari concon qui a mis du temps à comprendre que sa femme le faisait cocu, qui se dit que lui charcuter le doigt et tenter de la violer pendant qu'elle se rétablit feront enfin chavirer son coeur. Ensuite, une grognasse à la coiffure ratée de princesse Leia dont le mutisme n'apporte strictement rien au film, dont les manières et l'attitude insupportables n'attisent aucune forme d'empathie tout du long. Une môme pimbêche qui envoie sciemment sa mère sur l'échafaud et qui l'avait pas vu venir hein, cette sale petite garce. Un illettré qui veut juste coucher mais qui tant qu'à faire tombe amoureux et quittera l'île avec sa dulcinée qui va elle, réapprendre à parler, happy ending, tout ça tout ça.


Sinon il y a aussi des scènes dont je n'ai toujours pas compris l'intérêt. Citons la scène de la pièce de théâtre et la banalité de scénario qui fait qu'Ada prend la main de son mari qu'elle hait juste pour rendre jaloux Baines, de l'autre côté, qui finira par partir, offensé. Et tout ça pour aboutir à un débarquement de Maoris se ruant sur scène avec leurs haches parce qu'ils pensent que derrière le rideau, monsieur le comédien est vraiment en train d'assassiner les comédiennes. Ah franchement, pas fute-fute les Maoris, on ne le dira jamais assez (enfin Jane ne le dira jamais assez)...

Une fois de plus, il y a si peu de profondeur dans ce film, tout nous est recraché à la figure pour que l'on se débrouille avec ce qui nous retombe dans l'assiette.


Grande déception donc, car à part la scène évoquée en début de critique, le reste est d'une fadeur sans nom. Et non, selon moi la photographie n'est pas belle contrairement à ce que j'ai pu lire. Ce film, c'est du faux-sensible ; on vous met une cinéaste et non un cinéaste, de jolies petites notes de piano, une muette, un illettré, on fait passer le tout au Moulinex pour que la magie du politiquement correct opère et abracadabra, il en ressort avec la palme et j'en passe.
Dire que l'on m'avait dit tant de bien de ce film, dire que tant de femmes s'extasient devant le talent de Campion, comblées de visionner des films tournés avec un autre regard, sous le prisme de la sensibilité féminine et dans lesquels elles se reconnaissent. Mais au fait, à quel moment le genre du ou de la cinéaste doit rentrer en compte dans l'appréciation d'un film ?

laragazzapizza
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le 16 mai 2022

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La Pizza

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