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La Légende de Zatoichi : Le Masseur aveugle par CinéphileduCoin

Lorsque l'on parle de "Chanbara" soit l'équivalent pour le cinéma japonais des capes et d'épées, on se retient surtout de ce qu'a apporté Akira Kurosawa (Yojimbo, La Forteresse Cachée, ou encore Les Sept Samouraïs), et ce genre est fascinant par le rythme, la mise en scène, ou les valeurs qui imposent aux spectateurs de ne pas cligner des yeux. Les échanges en général se font par des dialogues directs ou implicites qui impliquent une attention grandissante dans les gestes, et un suspense quant à savoir celui qui survivra, quelle vision gagnera. Cependant, ceux qui marquent l'histoire du cinéma sont ceux où les combats se font rares, ou sont annoncés dès le départ sans être montrés tout de suite. Or l'annonce d'un grand combat participe à notre attention, et à notre irrésistible envie de voir cette confrontation. Cependant, les combats ne sont pas voulus, et ne sont pas désirables puisque le code du bushido nous conduit à ne pas être cruel, et à ne pas vouloir un affrontement inutile, étant donné que le guerrier n'a pas besoin de prouver sa force. Kenji Misumi nous propose l'adaptation d'un récit "classique" d'un guerrier solitaire, mais qui possède un handicap visuel, au travers de La Légende de Zatoichi : Le Masseur Aveugle.


Cela paraît assez méchant lorsque je dis que c'est un récit "classique", mais je ne parle pas classique dans le fond, mais classique en apparence (La structure est assez similaire à ce que l'on peut trouver, un ronin ou un guerrier solitaire arrive dans un village, deux clans s'affrontent ne présentant peu d'honneur pendant que le personnage observe et n'intervient pas), puisque les personnages qui ont déjà été maintes fois utilisés avant lui, vont avoir un traitement nouveau, apportant des éléments pour les comprendre tout en étant éloigné du personnage solitaire. Les personnages sont écrits pour faire écho au code du bushido, que ce soit le chef qui a voulu le bain de sang avec le clan voisin, mais préférant ne pas en subir les conséquences, les mensonges ou la malice du frère à l'égard de sa sœur (on pourrait ajouter son envie de pouvoir), ou encore la vanité des autres personnages qui jugent sur l'apparence. On ne peut souligner que deux symboles d'un ancien temps, se distinguant du reste de la société qui semble évoluer par la conquête de pouvoir (Le frère est heureux d'être devenu le bras droit grâce à la mort de ses compagnons), ou encore technologique (Un des deux chefs de clans décide d'utiliser une arme déshonorante, voulant tuer avec facilité un guerrier noble grâce à une nouvelle invention, un fusil). Ces deux icones sont des marginaux, Ichi est aveugle, devenant une figure de foire pour les uns ou une figure à humilier pour les autres, tandis que chez Hiraté, la maladie est son handicap, passant d'un guerrier si fort qui vaut entre 20 et 50 soldats d'après son chef, à un infirme à ne plus craindre. Or sans doute, cela est le plus grand défaut de ceux qui voient clairement, c'est de ne pas voir le danger qui est en face d'eux, et ils le remarquent souvent trop tard. Pourtant, étant donné qu'ils appartiennent à deux camps différents, nous comprenons que leur combat devient l'enjeu du long-métrage, et joue sur l'envie du spectateur de voir cet affrontement, mais au fur et à mesure il n'est plus désirable. Ce sont deux personnages qui se comprennent et qui ont une même vision. Malgré qu'il soit Yakuza, Ichi partage la vision du bushido que le samouraï Hiraté possède, et leur interaction démontre qu'ils se respectent, ne se limitant pas à la simple apparence. Si nous n'avons peu de combats (les très peu servent soit à montrer l'écart de puissance entre eux et les autres soldats, ou encore à montrer le peu d'honneur ou de satisfaction des violences commises entre les deux clans, le sang, la destruction des lieux, les cris font contrastes au silence des affrontements de Ichi ou de Hiraté), cela s'explique par le fait que les échanges entre les personnages, en plus de renforcer l'attente à ce qui risque d'être inévitable, vont influencer sur l'attente du spectateurs, puisqu'en voyant une relation d'amitié et de respect entre les deux, nous regrettons l'envie de voir ce combat, qui est à la fois voulu pour la mort que souhaite Hiraté, et à la fois non voulu par la tristesse de voir la chute de valeurs remplacées par ceux qui fêtent une victoire sur une tonne de cadavre.


Le dégout et la colère se lit dans l'interprétation de l'acteur Shintaro Katsu, qui est magistral, sachant balancer entre le calme et l'énervement. Or la fin où Ichi va exposer à son chef son éthique, l'acteur laisse percevoir son œil, et c'est ce genre de détail qui rend un film crédible, et percutant. La mise en scène des combats avec lui intensifie le son, et se concentre sur chaque détail comme les oreilles, ou les yeux , et se caractérise par une extrême rapidité et une brutalité, semblant faire contraste aux scènes de dialogues. Le combat de fin se diffère des autres pour le choix de filmer en contre plongée depuis un point de vue éloigné, comme si le spectateur ne devait pas gêner ce combat, et donnant l'impression de malaise, qui participe au sentiment de ne pas vouloir ce combat. L'empathie du personnage est également établi par sa relation amoureuse avec Tané, qui est certes pas assez développé (Donnant l'impression au début qu'il fallait caster une relation amoureuse car c'était dans les cahiers des charges). Pourtant, le peu que nous avons démontre que Tané n'est pas superficiel dans son traitement, pouvant être une porte de sortie à Ichi, mais qui refuse par le fait que c'est trop tard, et qu'il ne peut pas vivre différemment. L'écriture et l'interprétation illustrent mon attirance au genre du Chanbara qui n'est pas seulement une profusion de sang ou un prétexte à faire affronter différents personnages comme on pourrait le croire. Katsu renforce le respect du spectateur à l'égard de Ichi, qui permet de traiter de thèmes plus intimistes et des combats, certes rapides mais nobles dans ce qu'ils nous évoquent.

CinéphileduCoin
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Créée

le 13 mai 2021

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