Betrayed a un titre qui dit tout. Car la trahison n’est pas qu’une thématique traitée par le film, il est son essence, son fondement, ce qui fait qu’il parvient à dépasser le manichéisme pour représenter les forces obscures dans leur humanité fondamentale. L’agent Cathy Weaver s’affirme tel un personnage tiraillé entre sa profession, l’effroi du racisme vécu comme réalité vraie et l’amour véritable éprouvé pour un bourreau qui apparaît sous un jour ambigu, tantôt doux et blessé, tantôt brutal et expéditif ; ce faisant, elle ouvre le champ des possibles, désamorce totalement la prévisibilité initiale d’un récit soumis aux aléas d’un cœur en lutte avec une conscience.
Costa-Gavras aborde le racisme d’extrême-droite par le biais du psychologique, en drame intérieur qui suit sa propre logique en dépit des apparences ; la clausule atteste cette foi placée en l’humanité, main levée et tendue à l’autre que l’on pardonne et que l’on cherche à sauver. Que le cinéaste soit humaniste ne constitue pas une nouveauté – il l’a toujours été et le restera, en témoigne son brillant Adults in the Room (2019). Il le démontre une nouvelle fois ici avec une œuvre magistralement mise en scène, dans laquelle la précision et l’ampleur des mouvements de caméra se subordonnent à un rejet de l’effet tape-à-l’œil : tout est là pour signifier et signifie, la réalisation dit autant que le récit qu’elle accompagne sobrement.
Betrayed fascine du début à la fin, porte l’un des regards les plus pertinents et audacieux sur le Ku Klux Klan. Une réussite totale.