Le cinéma français à l'ancienne n'a pas beaucoup abordé le fantastique ; on se souvient de Sylvie et le fantôme en 1946 qui versait plus dans l'onirisme, mais ce film de Tourneur est sans aucun doute la plus belle réussite du genre. Tourné sous l'Occupation, c'est un véritable film fantastique avec tous les ingrédients du genre, et non un film d'horreur, car c'est l'ambiance qui est fantastique, ainsi que le scénario qui est une relecture du mythe de Faust ; de plus, l'influence de l'expressionnisme allemand se fait sentir dans les séquences liées à la malédiction de la fameuse main.

Au départ, c'est Jean Aurenche qui avait cherché à adapter la nouvelle de Gérard de Nerval, "la Main enchantée", mais devant la difficulté d'adaptation, il céda le projet à Jean-Paul Le Chanois. Ce dernier fut d'abord scénariste avant de passer à la réalisation, on lui doit plusieurs bons films d'atmosphère avec Gabin, dont l'adaptation des Misérables en 1958, et le Cas du docteur Laurent. Mais aussi L'école buissonière avec Blier, ou encore la comédie Papa, maman, la bonne et moi. Plus familiarisé avec le genre fantastique de par ses origines bretonnes, Le Chanois écrivit donc un scénario entièrement original qui n'a plus rien à voir avec la nouvelle de Gérard de Nerval, et qui s'appuie sur de vieilles légendes celtiques. On est plus proche du mythe de Faust puisqu'il s'agit d'un peintre médiocre qui a passé un pacte avec le diable.

Le film gagne beaucoup par son superbe n/b et son ambiance qui délivrent un vrai ton fantastique, de même que l'interprétation inspirée, parfois hallucinée de Pierre Fresnay sert de façon admirable le récit, même si son jeu peut paraître parfois théâtral, mais ça colle avec le sujet. Quant au diable, il est personnifié par Pierre Palau, acteur qui a l'apparence simple d'un petit homme vêtu de noir ; cette apparence ordinaire et inattendue qui ressemble à celle d'un rond-de-cuir de l'ancien temps est d'autant plus inquiétante. Le reste du casting comprend des acteurs mythiques du cinéma français à l'ancienne, comme Antoine Balpêtré, André Gabriello, et surtout Noël Roquevert et Pierre Larquey (qui côtoyaient déja Fresnay dans L'assassin habite au 21).

Voila donc un film qui par son ambiance générale faisant oublier quelques menus défauts de logique, se positionne comme un grand classique du cinéma fantastique français, je l'avais vu il y a bien des années au Ciné-Club de la 2, je l'ai revu avec le même enthousiasme.

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le 1 mai 2024

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