L'ami Tom est un personnage clivant, à l'évidence. On peut ne pas l'aimer, je le conçois fort bien. Mais il est curieux de constater que l'on lui impute systématiquement et de manière exclusive chaque échec des films dans lesquels il s'investit pour, dans un même mouvement, lui en ôter tout le mérite en cas de succès.


Si Tom Cruise n'est pas le meilleur acteur du monde, laissons lui au moins le mérite d'une carrière construite de ses mains, la construction d'une icône du septième art, ou du moins d'un de ses personnages incontournables, ainsi qu'un certain flair dans la sélection de ses projets ou des réalisateurs auxquels il s'attache. Soyons un peu honnête. Et laissons de côté certaines frasques de sa vie privée, sa volonté supposée de mettre en scène une certaine image de lui-même, ainsi qu'une appartenance "religieuse", qui, chez d'autres acteurs US, ne fait pas tant débat. Encore moins chez les acteurs hexagonaux, comme Xavier Deluc, cela va sans dire...


Dans le cas qui nous intéresse, celui de La Momie, à nouveau, les bien pensants ressortent leur article annuel sur le Cruise control et sa mégalomanie, le fait que le Tom Pouce, qu'ils prennent plaisir à ridiculiser, pourrisse tout ce qu'il touche et cherche à modeler à sa main le film dont il est la vedette. Ce systématisme dans l'accusation a quelque chose de dérangeant qui a tout de la cause facile de la qualité toute relative du produit, excuse à l'image du système hollywoodien qui se précipite pour offrir un bouc émissaire pour donner un visage à un accident industriel, ou encore à une contre-performance.


Car La Momie, finalement, en est bien une. Comme Jack Reacher : Never Go Back l'année dernière. Mais celle-ci est bien plus le fait d'une major paresseuse qui se contente d'émuler la formule gagnante du moment de l'univers partagé. Elle est aussi à mettre sur le compte d'une bordée de scénaristes incapables, des grands noms, pourtant, tant l'histoire qui défile à l'écran apparaît, finalement, inepte.


Si tant est que Tom Cruise ait pu prétendre noyauter l'entreprise, son action, jugée de manière nécessairement néfaste, n'a pu que se manifester à la marge du projet, tant celui-ci, alléchant sur le papier, s'avère totalement raté et à côté de la plaque dans son exécution. Alors même que les prémisses de La Momie séduisent et emportent dans leur volonté d'actualisation et de nouveauté. De remodeler le monstre bien connu et de lui faire changer de sexe. Ce sont aussi ses allures très dark qui accrocheront le public, loin des péripéties un peu sympas mais surtout très molles des bandelettes animées par Stephen Sommers. Et on s'étonne même que La Momie braconne, le temps de quelques scènes timides, du côté du zombie flick, de manière assez logique, ou encore du film de possession.


Mais le film commence à déraper quand son fantôme commence à expliquer à son acolyte star les ressorts de l'intrigue, comme si Tom, et le public par extension, était considéré comme totalement demeuré. Cela se gâte quand on se rend compte qu'Alex Kurtzman a laissé dans son premier effort en tant que réalisateur des expressions faciales embarrassantes ou des passages qui n'ont pas été sûrement pensés comme étant humoristiques, voire comiques.


Et le spectateur touchera certainement le fond de sa capacité à transiger quand on lui refilera, sur fond de laboratoire de série B à la Underworld ou I, Frankenstein, un concept surexploité de pseudo S.H.I.E.L.D. à la sauce contrôle des forces du mal, sans raison, sans but et à la ramasse. Comme Russell Crowe, tout bonnement honteux dans son rôle de Docteur Jekyll, dont on attendait une transformation bien plus spectaculaire. Au contraire. Paresseux, engraissé, peu concerné, son seul fait d'armes sera une escarmouche molle entre catcheurs retraités dans le bureau d'une maison de convalescence. Dur de voir Russell tomber si bas.


Avec une formule équivalente, le récent Kong : Skull Island proposait au moins un divertissement agréable et généreux qui réussissait à exister par lui-même, ce qu'échoue à faire cette momie, tant celle-ci embaume le fumet rance de la formule prémâchée qu'elle use jusqu'à la corde. Et contrairement à son homologue simiesque, côté action, passé le premier tiers, La Momie ne proposera plus grand chose de marquant car, même si sa photographie grise n'est pas déplaisante, le spectateur ne pourra s'empêcher de penser que les trois chiffres devant le mot "millions" du budget sont usurpés, tant certaines séquences paraissent avoir été shootées en mode low cost dans un quelconque pays de l'Est.


Même le charme oriental de Sofia Boutella et la douceur des traits de la très jolie Annabelle Wallis ne changeront pas grand chose à l'affaire, tant La Momie échoue à renouer avec le souffle des films de monstres qu'il avait pour mission de remettre au goût du jour. Il n'arrivera pas plus à la hauteur du formidable Wolfman de Joe Johnston, ou encore, question univers partagé, à celle du ride très série B mais exaltant Van Helsing... Réalisé par Stephen Sommers avec une dizaine d'années d'avance. Un précurseur ?


Et Tom, dans tout cela ? Pas particulièrement mauvais, pas bon non plus, on ne pourra certainement lui reprocher que sa volonté de s'associer à une nouvelle franchise lucrative, lui qui ne peut finalement compter, dans ce genre de business, que sur ses Mission : Impossible pour s'illustrer.


Sinon, pas de quoi se retourner dans son sarcophage. Pour une momie, ça en deviendrait peut être un comble, non ?


Behind_the_Mask, qui embaume.

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le 17 juin 2017

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