L'arrêt vu des deux immondes

Pas loin d'être le meilleur Guitry que j'ai vu... Déjà, sans Guitry acteur, c'est pas toujours plus mal, ça évite d'avoir l'impression d'avoir déjà vu le même film dix fois... En plus, là, nous sommes gâté avec Michel Simon, immense de bout en bout, Germaine Reuver, tout droit sortie d'un album de Pinchon et Pauline Carton, toujours formidable...

L'histoire est jubilatoire en diable, Michel en a marre de sa femme qui le lui rend bien, 30 ans de mariage, ça vous débarrasse assez vite des illusions lubriques du départ, et puis, dans ce petit bourg perdu en province, on ne divorce pas, non Môssieur ! On boit le calice jusqu'à la lie, les dîner à deux où seule la radio évite parfois de s'engueuler, les nuits passées ensemble dans le lit conjugal, les repproches permanents des deux côtés, la vieille qui picole, le vieux qui ronchonne, une certaine idée du paradis...

Nos deux aigris essaient donc de se débarrasser l'un de l'autre, un peu aidé en cela par un avocat réputé qui défend avec verve le crime conjugal et l'oppose aux autres formes de meurtre. Pour lui, un fils qui tue son père, une épouse son époux, ce n'est pas un assassinat, c'est juste un duel qui a enfin trouvé son vainqueur.

Les dialogues sont de vraies petites merveilles d'humour noir et de logique implacable, certaines scènes frisent la perfection (le premier dîner, magistral !) et l'ensemble est à conseiller d'urgence sans aucune modération.

Un petit bémol cepandant, Guitry nous sert ici une friandise amère des plus délectables, mais il oublie un peu l'emballage. Du bourg, il ne retire pas grand chose, évacuant trop vite le reste des habitants, les potentiels décors jouissifs, le côté pittoresque... Pourtant, il avait même De Funès en voisin, c'était l'occasion de développer, en plus, à chaque fois qu'il s'attarde un peu sur certains gestes du terroir, Michel qui coupe son pain par exemple, le film devient tout simplement grandiose, c'est fichtrement dommage...

En plus, si on oublie l'habituel générique raconté par Guitry qui doit bien faire ses cinq minutes, l'histoire en elle même ne doit guère dépasser 1h20, il y avait toute la place pour soigner un peu le cadre, donner de l'épaisseur à l'ensemble...

M'enfin, ça reste un vrai petit bijou et je ne remercierai jamais assez ma fournisseuse pour m'avoir enfin donné l'occasion de regarder cette merveille.