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The Searchers est le récit d'une quête qui dure cinq ans et se déroule dans une grande variété d'espaces, du désert aux paysages enneigés. L'art de John Ford est ici à son sommet. Il l'est, bien évidemment, sur le plan visuel, mais aussi sur le plan psychologique. Le personnage d'Ethan (John Wayne) restant, jusqu'à la fin, fondamentalement énigmatique. Comme le fait observer Jacques Lourcelles « Il a combattu pour le Sud, il combat pour sa famille, il combat pour les Blancs, et pourtant il ne fait partie de rien, d'aucun cadre, d'aucun groupe, si ce n'est d'une Amérique mythique vouée à disparaître et qui n'a peut-être existé que dans les rêves de certains pionniers qui lui ont consacré leur vie. Sa soif de vengeance le pousse à haïr la race indienne, et pourtant on le sent souvent plus proche des Indiens que des Blancs ». Le film est extraordinaire car il pose sa problématique dès le départ, à condition de comprendre les paroles de la chanson du générique, non sous-titrées : « Qu'est-ce qui pousse un homme à errer, à renoncer au gîte et au couvert, à quitter son foyer ? » À cette première question, s'ajoute parallèlement une deuxième question, tout aussi fondamentale, qui est posée dès la première séquence du film : quelle force, quelle incompréhensible intuition, peut pousser Martha (Dorothy Jordan) à sortir de chez elle et à scruter le lointain alors qu'il est absolument impossible qu'elle ait entendu arriver Ethan, beaucoup trop loin. Sur cette séquence je ne peux que recommander la lecture de l'excellente analyse de José Moure dans « Le plaisir du cinéma. Analyses et critiques des films ». Il y a un drame qui reste inexpliqué et qui se rejoue une deuxième fois dans le film, en se solutionnant cette fois de façon positive, avec le couple formé par Martin (le fils adoptif métis) et sa fiancée. Il faut extrêmement d'attention à de multiples petits détails qui amènent à se poser les questions nécessaires pour imaginer, en partie mais sans certitude, ce qui a pu se passer dans la jeunesse d'Ethan. Par exemple, comment est-il possible que, dans la tente du chef indien, Ethan reconnaisse immédiatement la chevelure de la mère de Martin mêlée à d'autres scalps ? Est-ce celle de la mère biologique de Martin, ou celle de sa mère adoptive ? Si c'est celle de sa mère biologique, il est encore plus incompréhensible qu'il puisse la reconnaître immédiatement. Si c'est celle de sa mère adoptive comment expliquer que, quand il le dit à Martin, il lui parle de la chevelure de sa mère, alors que dans tous le reste du film, et avec insistance, il ne cesse de lui rappeler qu'il est un fils adoptif, et que ceux qu'il appelle « sa famille » ne sont ni son père, ni sa sœur, ni sa mère, et qu'il le reprenne chaque fois sur ce point ? Bref, s'il y a encore des gens qui pensent que John Ford est un vieux réac raciste, ce qui est déjà ignorer à la fois son œuvre (il est un des premiers à avoir fait des westerns défendant les Indiens) et sa vie (ses nombreux amis Indiens), feraient bien de regarder attentivement ce film. Pour finir, mais je crois l'avoir déjà dit ici, Jean-Luc Godard a pu dire « John Ford, c'est Dieu pour moi ». On comprend pourquoi !

Jean-Mariage
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le 15 juin 2018

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Jean-Mariage

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