La Reine des Neiges
6.1
La Reine des Neiges

Long-métrage d'animation de Chris Buck et Jennifer Lee (2013)

L'amour est un cadeaaaau ! Analyse pseudo-philosophique inside.

Je n'avais pas l'intention de critiquer ce film. De montrer aux senscritiquiens mon fanatisme brut et pathétique envers non pas Disney, mais ce film précisément, le petit frère de Raiponce, Raiponce qui est mon Disney préféré (cf. ma critique). Contrairement à beaucoup de gens, je n'idolâtre pas les Disney de mon enfance, je ne les revois pas sans une certaine méfiance et un certain ennui, sauf exception. Et puis il y a ceux qui n'ont pas bercé mon enfance. Je n'ai pas l'excuse de la jeunesse, mais finalement c'est peut-être mieux ainsi : je peux - je dois - véritablement assumer cet amour qui est le fruit de mon grand âge (20 ans mon Dieu, je suis au bord de la mort). De mon irrésistible besoin de bisounours, de princesses, d'idylles, de féérie et de bons sentiments. A vingt ans, ma foi, les choses sérieuses c'est très bien mais des moments d'accalmie sont nécessaires, non ? OUI j'essaie de me justifier, je sais... Mais autant aller jusqu'au bout : depuis une semaine, j'écoute en boucle les chansons, je repense aux scènes du film, j'ai mis Elsa en fond d'écran de mon ordinateur et je compte bien acheter le DVD dès sa sortie. Alors il est temps de critiquer ce film, d'essayer de créer des fondements solides et rationnels à ma passion incontrôlable pour La Reine des neiges.

Tout d'abord, au milieu de la grisaille (quoique aujourd'hui il ait fait beau) parisienne, l'esprit de Noël fait du bien. Même si c'est aussi la tempête de neige, le froid, bref, pour ça c'est pire que Paris avant le happy end. Et puis ce happy end (qui ne laisse pas d'être un peu surprenant dans son déroulement, vous verrez, c'est décevant en un sens mais c'est un peu plus original et complexe) fait du bien. On a besoin de rire. D'ailleurs ce film EST drôle. C'est tragique - comme tout Disney - mais c'est aussi plein d'humour - pas comme tout Disney. Un humour qui n'est je pense pas à la portée de tous les bambins qui vont aller voir le film. Indice peut-être de ce que j'avance : dans la salle, bon c'était la séance de 20h en semaine, mais dans la salle il n'y avait que de jeunes adultes (je ne suis pas seule, hallelujah !) qui s'esclaffaient à la moindre blague, et (j'ai rarement vu ça) il y a eu à la fin du film des applaudissements. Comme quoi. Olaf est irrésistible. Sven n'est pas mal non plus, et puis Kristoff, et puis Anna, notre héroïne !
Semblable à Raiponce par bien des points, elles ont néanmoins une différence fondamentale : Raiponce était la princesse héritière, et Anna n'est que la soeur de la princesse héritière puis reine. D'ailleurs, autre chose surprenante : l'amour ici est le privilège d'Anna, et la reine Elsa est célibataire. Enfin ! Enfin une reine qui n'a pas besoin d'un mâle pour être, pleinement être ! Bon, elle aussi a besoin d'amouuur, mais pas sous la forme du mâle - c'est celui de sa soeur qui prendra la place. C'est tout de même plutôt moderne, non ? Soulignons trois autres points eu égard à l'amour :
-Le prince charmant n'est pas celui qu'on croit. Le vrai prince n'aime pas la princesse, il n'est qu'un infâme manipulateur, et il est difficile de le deviner avant qu'Anna elle-même l'apprenne. Double-enseignement : le prince charmant n'est pas toujours charmant, il n'y a pas d'amour pur systématique dans les contes de fées - et le méchant n'est pas toujours celui qu'on croit. Elsa est plus une victime qu'une vraie méchante, et le petit papy-danseur fou est un danger bien moindre face à la véritable menace cachée et tardive du prince-traître.
-Il y a rivalité entre deux hommes sans qu'on devine, encore une fois, avant un moment, comment va se résoudre ce problème épineux. Ce dilemme presque cornélien entre un prince en apparence parfait, avec coup de foudre et demande en mariage éclair très déconcertante (le soupçon qu'il y a anguille sous roche est là, mais on ne sait pas où est le piège) - et un montagnard bourru plein de défauts, un peu à la Flynn, mais au coeur tendre... Qui remportera la victoire ? Au passage, deux petits détails : l'"amour" entre Anna et son prince qui apparaît dès le début du film est bien plus rapide que la norme Disney (ouiiii ben okay y avait un truc mais je suis naïve j'ai pas deviné quoiiiii), on a presque une inversion de la trame attendue - et je suis désolée, mais nos deux hommes ne sont pas des canons, phénomène inédit et digne d'être mentionné. Le prince a un problème de barbe évident et le montagnard a un problème de nez et un léger embonpoint.
-Ce qui nous mène au troisième point : à l'image de Flynn, Kristoff n'est pas un prince, hiérarchiquement parlant, c'est un orphelin élevé par des trolls, et au niveau de son comportement et de son apparence (Flynn, lui, était carrément BG) il est loin de l'idéal du prince. On est toujours dans la veine raiponcienne, et si je voulais avoir l'air vraiment chic et sérieuse je pourrais dire que "La Reine des neiges est une réflexion sur l'abolissement des frontières hiérarchiques et morales entre les classes sociales". (Crédible ou pas ?)

J'ai particulièrement aimé le début assez virevoltant et bien mené, le rythme est je trouve différent des autres Disney. Mention spéciale à la musique - le petit côté comédie musicale est parfois à la limite du comique, car bien souvent les chansons sont amenées comme un cheveu sur la soupe, avec d'incongrues alternances paroles/chants, mais c'est tellement joli, joyeux, entraînant, on a envie de se lever, d'ouvrir les bras et de chanter avec Anna et Elsa. Les versions françaises sont d'ailleurs particulièrement réussies. Il ne faut pas craindre la niaiserie, et parfois des choix de traduction un peu étranges au milieu des chansons, mais bon, ça n'enlève rien au charme sublime de la musique. Pour une fois, son omniprésence n'est pas énervante.
Petit sort aussi à la liberté : Elsa décide, après avoir lutté, d'assumer sa vraie identité, ses pouvoirs, sans se lamenter (pendant un temps du moins), en mode surhomme (surfemme ?) qui dépasse le bien et le mal (oui j'ai trop lu de Nietzsche ces jours-ci, j'avais une fiche de lecture à rendre aujourd'hui...). Cette assomption, ce déploiement de cette effrayante et magnifique puissance, c'est vraiment admirable. Bravo Elsa. La liberté dans la solitude éternelle, l'incompréhension - mais l'action, la beauté. C'est du Nietzsche tout craché. Et il est assez intéressant de voir que finalement la reine ne se maîtrise plus, et blesse mortellement sa soeur, ce qui semblait de prime abord plutôt impossible. Des surprises, des surprises, ce film en est plein.
Des bons sentiments, certes, mais ça va un peu plus loin. La morale n'est pas plus bête que celle d'Harry Potter - puisque c'est la même, je vous la rappelle : "L'amour surmonte le mal le plus terrible". La fin est assez rapidement expédiée, il faut reconnaître que l'explication du changement subit d'Elsa est un peu fragile, mais ça reste assez original. Et puis Olaf n'est-il pas adorable avec son petit nuage perpétuel ? Et le méchant prince Hans est bien puni huhuhuhu. Bon, on attend la suite : parce que ce n'est pas tout, m'enfin Elsa n'a pas encore trouvé l'âme soeur, elle...

En bref : ce n'est pas totalement pondu d'avance comme on pourrait le croire, c'est beau (l'esthétique est splendide), c'est à la fois dramatique et comique et grandiose, c'est le film à voir quand on a pas le moral, et c'est le digne héritier de Raiponce. A vos mirettes maintenant.

PS : tout n'est pas à prendre au premier degré dans ma critique. Il faut bien avoir de l'humour, quand on défend de manière sérieuse un film de Disney... Je n'ai plus qu'à vous dire : "Libérée, délivrée, je ne mentirai plus jamais" (C'est mon impératif catégorique elsacien à moi.)
Eggdoll
9
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le 11 déc. 2013

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Eggdoll

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