Tourné pendant la guerre, La route semée d’étoiles (1943) est une bouffée d’oxygène et d’espoir. Même si le conflit n’est pas directement présent – on voit un des personnages s’engager dans l’armée – Leo McCarey exprime dans ce film un certain engagement social. Car c’est bien d’un autre front dont il est question ici. A travers la paroisse de Saint Dominique en déclin, on plonge dans un microcosme fourmillant où l’humanité, la compassion et l’entraide semblent avoir disparu. Les habitants du quartier survivent dans la précarité, les enfants sont laissés à eux-mêmes et commettent quelques menus larcins. La foi a quitté le cœur des new-yorkais, remplacé par des préoccupations d’ordre économique.

Le paradis terrestre ?
C’est dans ce cadre désespéré que survient un jeune prêtre providentiel, qui, tel un ange tombé du ciel, va venir redresser la situation. Gauche et hésitant à son arrivée, il va parvenir à insuffler une nouvelle jeunesse à la paroisse. Les habitants, à commencer par le prêtre, d’abord réticents, vont tomber sous son charme naturel. A son contact, les personnes vont changer et devenir meilleures. Fort du soutien de l’évêché, il apparaît comme un réformateur. Patient, il va parvenir, par ses méthodes originales et décalées, à susciter l’intérêt des jeunes du quartier et les convertir au chant.
La grande intelligence du personnage est de se mettre au niveau de chacun de ses interlocuteurs ; il prend le temps de les écouter, de les laisser s’exprimer. La méfiance disparaît et il parvient à avancer, tirant parti des talents de chacun. Sa jovialité et son implication sont communicatives. Le film est une apologie de l’entraide et de l’amitié. « Aide ton prochain » est le leitmotiv du film, car cette aide te sera rendue par la suite. C’est bien par l’entraide et la solidarité que le quartier peut de nouveau renaître de ses cendres.

Trois petites notes de musique…
La musique est en effet omniprésente tout au long du film : quelques notes suffisent pour apporter bonheur et joie sur les visages. Tel le joueur de flûte de Hamelin, le jeune prêtre entraîne dans son sillage les personnes qu’ils rencontrent. Il encourage et accompagne la jeune fille qui frappe à sa porte, il lance la carrière d’une chanteuse d’opéra et surtout il met en place un chœur improvisé avec les jeunes du quartier. La misère et la précarité ne sont jamais loin mais il suffit d’une initiative pour s’en écarter, exploit que le jeune Père O'Malley réalise avec les membres de sa chorale auprès de qui il parvient à susciter un enthousiasme et une motivation grandissante.

La maïeutique du changement
La jeunesse vient s’opposer à la vieillesse, le changement à l’immobilité, à l’image du vieux prêtre qui a passé quarante cinq années dans sa paroisse, vieillard grincheux rempli de préjugés qui parvient tout de même à se dérider au contact du nouveau venu. C’est le cas également du rentier, avare intraitable qui menace les mauvais payeurs et qui étouffe son fils. Ces défauts vont voler en éclat à mesure qu’une nouvelle perspective s’ouvre à lui. McCarey joue de ces défauts pour donner au film un caractère comique. Derrière le malheur, le rire n’est jamais très loin et permet d’accoucher d’une situation moins tendue. Le rire est communicatif et redonne goût à la vie.
Enfin, la question du rêve est largement présente dans le film. Toutes les personnes que le Père côtoie ont des aspirations, des espoirs cachés, de la jeune chanteuse en quête de gloire au vieux prêtre qui souhaite revoir sa mère. Avec l’envie et la motivation nécessaires, tout est possible. La fatalité est exclue de ce film. Le fils réussit à s’affranchir de la tutelle de son père, il refuse la carrière toute tracée que celui-ci lui propose et se lance à l’aventure en épousant la chanteuse. Il n’est jamais trop tard pour changer.

Une allégorie de l'espoir

Manifestant tout au long du film un certain détachement derrière sa proximité, Le jeune prêtre part comme il est arrivé, seul, vers d’autres lieux, à la rencontre d’autres âmes à sauver. Simple apparition dans le jour ayant illuminé la vie des autres le temps d’une rencontre.
FrançoisLP
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le 23 avr. 2014

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