Superbe mélodrame dans la lignée de A Summer Place, Daves propose avec ce Parrish, des nouvelles variations sur l’amour et le désir interdit. Thématique centrale de son cinéma ici déclinée sous diverses formes qui s’établissent face à des contraintes à franchir toujours plus variées : l’âge, les conventions sociales, familiales, morales, économiques,…
Le cadre du film est celui de l’exploitation du tabac. Loin de n’être qu’un décor inerte, Daves construit un contexte fort, qu’il creuse, détaille et documente de façon étonnante et pertinente. En abordant tous les degrés de l’échelle de l’exploitation : du travailleur dans les serres au grand manitou en costard qui décide tout depuis son bureau, en passant par les chefs d’exploitations.
Sans négliger aucun personnage, chacun a sa place, chacun est traité sur un même niveau.
Daves pose un regard fouillé et prend le temps de filmer en profondeur son univers en s’attardant aussi sur les détails : les récoltes, les machines, les maladies,…
C’est dans ce contexte très précis que le jeune et beau Parrish va débarquer avec sa mère, celle-ci ayant trouvé un rôle de femme d’intérieur chez un chef d’exploitation veuf et parent d’une jeune fille un peu frivole. Vont également entrer en jeu une famille de paysans et leur fille très libérée. Mais aussi le grand patron, incarné par un génial mais abjecte et monstrueux Karl Maden ainsi que ses deux fils odieux et sa jeune fille.
A partir de là va se déployer tout un maillage entre les personnages. Des allers-retours et des liens complexes vont se mettre en place entre chacun d’eux. Des liens amoureux, charnels, sexuels, parentaux ou sociaux. Des rapports de force, de haine ou d’amour engendrés de façon brutale, sourde ou plus étirée. Tout comme dans A Summer Place, le film transpire le désir et ce sentiment apparaît parfois de façon étonnamment moderne, sans préparation. C’est d’ailleurs le cas à chaque fois ici, Daves fait naitre le désir et un érotisme presque torride entre deux personnages en un seul plan, ou dans un simple champ-contrechamp. C’est très fort car brutal, soudain, intense, et uniquement produit par la mise en scène. Il utilise pour cela le découpage, les angles de vue, la lumière mais se sert aussi à merveille du visage de ses personnages, à commencer par le bleu profond et troublant des yeux des acteurs principaux.
Ces déplacements de chair vont s’accompagner de mouvements ascensionnels sur l’échelle sociale et professionnelle, où les personnages montent, descendent, s’écroulent,…
Au milieu de tout ça, il y a ce fascinant personnage de Parrish, incarné par cet étrange acteur qu’est Troy Donahue, qui joue dans tous les films de la dernière partie de carrière de Daves. Ici il incarne une sorte de Terence Scamp sorti de Théorème, personnage angélique qui attire le regard, stimule les passions, provoque le désir, mais un personnage tout en retenue. Donahue n’est pas un James Dean ou un Brando, il ne joue pas l’émotion à fleur de peau. Au premier abord, il paraît lisse, un peu fade, il semble désincarné, absent, déplaçant son beau physique, vêtu de son habituel pull-over rouge (qu'il porte dans tous les films). Or il est constamment présent et au centre du plan. Il est le catalyseur de toutes les situations. Il subit et agit. Il est le point central, totalement imprégné de tout ce qui tourne autour de lui et l’acteur parvient à faire ressortir tout un mélange d’émotion en intériorité.
Pour revenir sur le film, d’une grande qualité d’écriture et de mise en scène, il laisse pointer, tout comme dans A Summer Place réalisé un an auparavant, une sensation forte de cruauté et un peu de cynisme lors de certaines situations. Delmer Daves est un grand humaniste, et un optimiste, et l’évolution subtile du film démontre une fois encore toute l’affection qu’il porte à ses personnages.
Enfin, sans jamais énoncer les choses de façon démonstrative ni sous la forme d’un réquisitoire, il pose des réflexions sur la moralité, le rapport à l’argent, le capitalisme,…
Une fois encore, c’est une grande réussite et un nouveau film magnifique.
Teklow13
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le 1 juil. 2013

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