Comme la science-fiction, le cinéma fantastique est souvent prétexte à examiner un aspect du monde réel, qu'il s'agisse d'un phénomène social, une étude de caractère ou un évènement historique. Mais il y a aussi des films fantastiques qui ont tellement la flemme d'en être que leur aspect surnaturel n'est qu'un mince prétexte à montrer toute autre chose.


Un soir, les habitants d'une des tours de ce qu'on devine être une cité parisienne dans un quartier défavorisé se retrouvent isolés du monde par une sorte de brume noire opaque qui dissout tout ce qui passe à travers. Dix minutes plus tard, des armées de wesh aux coupes de cheveux improbables (c’est de toi qu’on parle, Hatik) ont déjà commencé à se foutre sur la gueule.


La Tour n'est pas vraiment un film fantastique, mais plutôt un prétexte pour faire un film de prison sur le communautarisme racial et le repli identitaire. Si vous avez vu Oz, c'est grosso modo la même chose, avec méchants arabes qui plantent des couteaux dans de méchants blancs qui jettent de méchants noirs par la fenêtre du vingtième étage.


o o o


S'il y a un commentaire social, il est vague et raté, et ne justifie pas la pauvreté de l'écriture et le flagrant manque d'idée de l'entreprise. C'est correctement filmé (sauf dans les scènes d'action incompréhensibles), ça ressemble à peu près à un film et il y a des acteurs inégaux qui jouent des personnages dont on se contrefout, car le script s'est violemment pris les pieds dans le tapis.


Trop de factions, trop de personnages, une histoire étalée sur trop de temps - rien n'est assez développé et le film se retrouve à balancer sans cesse des ébauches d'idées, de personnages ou d'intrigues sans qu'on sache vraiment ce qu'il voulait en faire. Pour ne citer qu'un exemple parmi beaucoup d'autres, on a deux lesbiennes dont une est accro au hash. On les voit deux fois dans le film, elles ont l'air très malheureuses et... c'est à peu près tout ce qu'on en saura. Comme toutes les autres bribes d'intrigue, ça ne va nulle part. Ah et on voit leurs nichons pour vous rappeler que c'est un film français et qu'on n'a pas peur de montrer des nichons..?


Et puis il y a aussi une flopée de trucs absolument débiles, comme la scène de la mort du gamin, censée être choquante et dramatique, qui a fait rire toute la salle. Sérieusement, je ne peux pas la décrire, ça se vit.


On pourrait aussi parler du fait que les survivants, coupés du monde, sans aucune ressource alimentaire, réussissent à élever des chiens et des chats pour les manger, ce qui n'a aucun putain de sens quand on rationne la bouffe. Avec la quantité effarante d'eau et de nourriture qu'ils gaspillent pour produire un kilo de chien, ils pourraient se nourrir beaucoup plus sereinement.

Je ne sais pas si la volonté de choquer a éclipsé tout effort de réalisme ou s'il s'agit de l'ignorance réelle d'un scénariste viandard qui n'imagine pas un futur post-apocalyptique sans son entrecôte, mais ça m'a un peu sorti du film.


o o o


L'histoire est entrecoupée de longues ellipses pour illustrer la dégradation des personnages et la lance descente aux enfers de leur petit morceau de civilisation. C'est une bonne idée sur le papier, et ça fonctionnait très bien dans The Divide (un autre film de bunker, 100 fois plus réussi), mais ici, en trois mots comme en cent : on s’emmerde.


C'est d'autant plus dommage que le film commence vite et fort. Les 5 premières minutes posent les enjeux et ne perdent pas un instant pour entrer dans le vif du sujet. On comprend immédiatement la menace et ses implications, mais celle qu'on nous a présentée comme le personnage principal réagit de façon incompréhensible. Généralement, tout le monde est si con et si taré qu'il est difficile d'avoir de l'empathie pour qui que ce soit.


Au final, on se demande si Guillaume Nicloux n'aurait pas mieux fait de développer ça en série. En ayant plus de temps pour poser ses personnages et ses petites guerres de faction, quelque chose aurait pu émerger de la fange... ou plus probablement : on se serait tapé la même purge pendant dix heures au lieu de deux.

Ezhaac
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Gerardmer vu autant de films en 4 jours (2023)

Créée

le 19 févr. 2023

Critique lue 115 fois

5 j'aime

Ezhaac

Écrit par

Critique lue 115 fois

5

D'autres avis sur La Tour

La Tour
Cinephile-doux
3

Vers le néant

Il y a presque toujours eu une bonne dose de nihilisme dans le cinéma de Guillaume Nicloux, et la tendance va en s'accentuant au fil des années, qui marque une volonté bien établie du réalisateur de...

le 8 févr. 2023

21 j'aime

La Tour
Dagrey_Le-feu-follet
5

La lutte de tous contre tous...

Un matin, dans l'immeuble d'une cité, les habitants se réveillent et découvrent qu'ils ne peuvent plus en sortir à cause de l'inquiétant brouillard opaque au delà duquel le monde a disparu… La tour...

le 12 févr. 2023

16 j'aime

19

La Tour
Aude_L
3

Tour-ista filmique.

Quelque part entre la misogynie éhontée, le scénario qui se paye ouvertement notre tête, et un discours sur la lutte des ethnies et des classes sociales coincées dans un immeuble qui pompe tout sur...

le 18 janv. 2023

15 j'aime

Du même critique

Martyrs
Ezhaac
9

Expérience traumatique

Peu de films ont su me retourner comme l'a fait Martyrs. Je vais éluder le débat stérile sur la légitimité du thème de la torture au cinéma et partir du postulat que la vocation première du film...

le 21 juin 2010

85 j'aime

4

Vidocq
Ezhaac
8

Paris gothique en numérique

Le film qu'il vaut mieux ne pas aimer quand on veut briller en société, tant il se traine une réputation usurpée de nanar. Alors c'est le moment de m'empoigner les couilles et de les poser sur ce...

le 16 janv. 2011

64 j'aime

16