En un premier quart d'heure d'un glauque absolu, James Clavel pose d'emblée l'ambiance sans cesse changeante de la vallée perdue, réflexion acerbe sur la nature humaine, ses croyances et le potentiel de manipulation qu'elles engendrent. Le message est véhiculé par deux hommes que tout semble opposer. Le premier est un soldat sans foi ni loi, tuant sans remord lorsque l'acte est nécessaire, alors que le second prône un pacifisme en toute situation, professeur par son métier, il privilégie la discussion, quitte à l'user pour faire courber les esprits les plus retors qu'oser imaginer pouvoir faire usage de violence.

A l'écran, Michael Caine, monstre de charisme au naturel flamboyant et Omar Sharrif, tout aussi convainquant dans un registre complètement différent, noble dans ses attitudes, mesuré en toute circonstance, trouvent une harmonie remarquable. Leurs tempéraments se complètent à tel point qu'ils finissent par devenir un seul et même homme. Une entité permettant à James Clavel de véhiculer sa féroce critique de la religion. Lorsque les deux hommes disent enfin haut et fort ce qu'ils pensent de ce Dieu impalpable, fantasmé par ses apôtres pour justifier des massacres d'innocents, le message est limpide, peu courtois, d'autant plus qu'il est appuyé par quelques séquences qui ne laissent aucune place à la nuance.

Ambiancé par un défilé de sales tronches qui filent le sourire autant que la chair de poule, le film de James Clavel se fraye courageusement un chemin vers les films historiques références qui mettent en lumière les atrocités commises au nom de la religion. Chasse aux sorcières, manipulation du peuple, rejet immédiat de différentes cultures, dénonciation de l'athéisme, tout y passe dans la vallée perdue, sans que jamais les formes ne soient de la partie. En témoigne ce personnage, un peu trop manichéen, du prêtre : esprit borné incapable de se remettre en cause parce que stimulé par le pouvoir que lui prête ses ouailles. On pourra regretter que l'homme ne soit pas plus tempéré sur le papier, il contraste un peu trop vivement, à mon sentiment, avec la plume subtile qui sert ses deux adversaires.

Toujours est-il que La vallée perdue est un très chouette moment de cinéma. Peut-être pas aussi épique et marquant que je l'espérais — je préfère Le seigneur de la guerre dans une thématique assez proche —, la faute à une mise en scène qui manque parfois de souffle (on a du mal à retrouver la percussion de cette introduction rageuse dans le reste du film) mais écrit avec un tel rentre dedans qu'on ne peut rester indifférent au message qu'y véhicule James Clavel, par l'intermédiaire de ses deux acteurs vedettes, Michael "la classe" Caine et Omar "le sage" Sharif, qui, à eux seuls, rendent le voyage indispensable.
oso
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le 17 août 2014

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