Le projet de réalisation de La vengeance d'un acteur fut une obligation pour ICHIKAWA Kon. Il était un réalisateur de Studio, et ces derniers tenaient à lui rappeler que ses véléités d'auteur n'avaient de liberté que si le succès était au rendez vous. Lui ordonna t'on alors de réaliser le remake du film en trois parties de KINUSAGA Teinosuke ( 伊藤大輔) datant de 1935, avec l'obligation de prendre en acteur principal le vétéran HASEGAWA Kazuo, en célébration de son 300eme film !

Comment faire un film à partir d'un script aussi classique et convenu que celui de KINUSAGA sans le dénaturer et préserver la prestation de HASEGAWA ? ICHIKAWA et sa femme ont choisi de n'effectuer que tres peu de réécriture et de jouer sur la mise en scene, tout en faisant de l'acteur l'attraction principale. Double attraction avec deux roles, deux personnages faisant écho à la construction du film, entre tradition kabuki et modernisme.

L'onnagata est un role de femme tenu par un homme, une role dans lequel la representation physique de la féminité passe derriere l'interpretation des gestes de féminité. Du faux semblant. Un alteration de réalité à laquelle le spectateur croit. La vengeance d'un acteur sera donc à l'image de son personnage principal : hybride et indisctinct. En effet d'un parfait film de commande ICHIKAWA va donner naissance à un partition formelle quasi expérimentale qui fusionnera les frontieres des genres et des sens. Le film se partage donc entre minimalisme theatral et representation dite réaliste. Mais là où des réalisateurs fainéants auraient laissé les deux imageries séparées, ICHIKAWA va jouer avec les perceptions et imbriquer le theatre dans le real et le réel dans la theatre. A l'image de cette onnagata qui ne quittera jamais son costume de scene, meme pour se comporter en homme, on ne sait jamais si on assiste à une piece ou non. Décors réduits au minimum, focalisation de l'image sur un détail ou un personnage, comportements théatraux meme dans la plus stricte intimité, mais aussi surcharge des quelques décors, tout contribue à provoquer l'ambiguité, qui se retrouve meme dans une opposition certaine entre les personnage internes à la vengeance et ceux qui lui sont externes comme les voleurs qui commentent avec détachement et ironie la representation qui se déroule sous leurs yeux. Filmé avec un scope majestueux et un travail d'orfevre sur les jeux de lumiere, La vengeance d'un acteur arrive à faire oublier la pauvreté relative du script, et offre un spectacle sensoriel enthousiasmant.

En gommant les frontieres des genres, ICHIKAWA a fabriqué un film hybride en quasi permanente expérimentation visuelle. Pourtant loin de s'arreter au formalisme, qui aurait pu etre ennuyeux, le film n'en oublie jamais d'etre drole, que cela soit par le décalage induit ou pour les dialogues, et rythmé.
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le 3 févr. 2012

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