Il n'est pas tellement difficile de voir en quoi ce film a pu inspirer Bong Joon-ho pour son "Memories of Murder", 25 ans plus tard, et il y a des filiations intéressantes et originales à relever entre ce cinéma japonais-là, le Shôhei Imamura âpre et brutal, et les thrillers de la nouvelle vague coréenne du début du XXIe siècle.


Le tissu narratif est conforme à l'idée que je me fais du cinéaste, il est dense, fragmenté, chaotique, même si ici la non-linéarité n'induit pas une grande complexité, aidée en cela par la structuration en flashback une fois l'arrestation d'un tueur en série actée en introduction. Tout le film est dédié à Enokizu, un escroc autant qu'un assassin, dont on ne percera jamais la carapace pour comprendre les agissements meurtriers. Quelques éléments contextuels quant à son enfance, avec un père maltraité pour des raisons cultuelles (il était catholique), mais vraiment pas grand-chose : au début on le montre tuer des gens pour de l'argent, mais à l'autre bout du film, on le voit tuer une femme enceinte sans qu'il ne sache véritablement pourquoi (c'est ce qu'il dira aux enquêteurs en tous cas). Et la toute dernière séquence, consacrée à après son exécution, consacre un grand moment de bizarre macabre et joyeux, avec des os balancés dans le vide avec arrêts sur image.


On peut penser que la déstructuration de l'histoire rejoint l'absence de cohérence du tueur, pour épouser les mouvements du protagoniste, dans tout son art méthodique pourrait-on dire. On est au plus proche de lui, mais rien ne permet d'expliquer son comportement glaçant, irrationnel, immoral bien sûr. Beaucoup de frustration rythme le récit, globalement très en retenue — il est beaucoup question de refoulement, et l'incompréhension semble traverser l'écran. Ce qui rend le visionnage difficile, c'est que le puzzle temporel conduit à une sorte d'absence d'intrigue et une enquête policière tout sauf conventionnelle, avec beaucoup d'ellipses. Un Imamura assez cru comme à son habitude, avec Ogata Ken très bon dans son rôle, même si la façon de cultiver le glauque et l'humiliant ne m'a pas totalement convaincu. Sordide, mais presque un peu trop gratuit pour moi, même si l’absence d’explication claire conduit à une atmosphère très singulière quand on en sort.

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le 18 juil. 2023

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Morrinson

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