Huis clos vertigineux et intellectuellement stimulant entre un auteur adaptateur de la pièce éponyme (Mathieu Amalric en double, y compris jusqu’au mimétisme physique, de Roman Polanski) et une comédienne venue passer une audition avec retard un soir d’orage (Emmanuelle Seigner, qui peine à trouver le ton juste), La Vénus à la fourrure est, une fois encore, une transposition d’une pièce de théâtre pour le grand écran, après le décevant Carnage en 2011. Mille-feuilles sadomasochiste qui superpose les niveaux de lecture, les rapports de domination et l’enfance dont les traumatismes construisent l’adulte, l’imbrication démesurée entre répétitions et explications de texte, entre le vécu et l’investissement jusqu’à une inversion des rôles qui plonge définitivement le spectateur dans le trouble et la jubilation. On participe ainsi à une brillante réflexion sur le métier d’auteur et la place du comédien qui finit par déborder le cadre du spectacle vivant pour aborder les thèmes du féminisme dans un jeu pervers et sans cesse refaçonné du chat et de la souris (ou encore de la chatte et du souriceau).

Limité à un seul décor (la salle et la scène) et aux trouvailles sonores (le bruit des accessoires invisibles comme une tasse de café ou des feuilles d’un contrat), La Vénus à la fourrure tient avant tout du théâtre filmé et sollicite davantage les oreilles que les yeux. En restant dans l’abstraction et le symbolisme, le film semble également se réduire à un exercice de style cérébral, pétillant et follement intelligent. L’émotion est d’abord du registre de l’intellect flatté que le réalisateur du Bal des vampires nous tienne en si haute estime en partageant ce qu’on peut raisonnablement penser comme sa vision de la création et de l’art dans un long-métrage exigeant et personnel qui pourra décontenancer, sinon rebuter, certains.
PatrickBraganti
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Fims vus en 2013

Créée

le 15 nov. 2013

Critique lue 446 fois

12 j'aime

2 commentaires

Critique lue 446 fois

12
2

D'autres avis sur La Vénus à la fourrure

La Vénus à la fourrure
Rawi
8

Quand "Je" est un "Jeu"...

Polanski est un réalisateur aux multiples facettes. Ici, dès les premières minutes, avec cette avancée dans la pluvieuse avenue parisienne jusqu'à l'entrée du théâtre on est dans le mystère...

Par

le 4 déc. 2013

52 j'aime

6

La Vénus à la fourrure
Grard-Rocher
9

Critique de La Vénus à la fourrure par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Thomas est un metteur en scène peu chanceux car toute la journée il n'a cessé de faire passer des auditions afin de trouver une comédienne pour sa nouvelle pièce : une adaptation très personnelle de...

51 j'aime

35

La Vénus à la fourrure
guyness
8

Avec ma verge je la frappais, et ma nue, elle saignait

(Petite touche introductive: mater un film traitant de perversion, de fétichisme et de sadomasochisme aux côtés d’un des plus grands adorateurs vivant du genre (je veux bien sûr parler de Kenshin,...

le 31 déc. 2013

46 j'aime

12

Du même critique

Jeune & Jolie
PatrickBraganti
2

La putain et sa maman

Avec son nouveau film, François Ozon renoue avec sa mauvaise habitude de regarder ses personnages comme un entomologiste avec froideur et distance. On a peine à croire que cette adolescente de 17...

le 23 août 2013

89 j'aime

29

Pas son genre
PatrickBraganti
9

Le philosophe dans le salon

On n’attendait pas le belge Lucas Belvaux, artiste engagé réalisateur de films âpres ancrés dans la réalité sociale, dans une comédie romantique, comme un ‘feel good movie ‘ entre un professeur de...

le 1 mai 2014

44 j'aime

5