Voilà un film à mettre en parallèle avec "Sous les ponts" de Helmut Käutner pour l'une de ses spécificités : il a été réalisé durant une période de dictature (ici en Espagne) sans que cela soit évident au premier coup d'œil. On ne parle pas des mêmes types de dictature, bien sûr, pas de la même idéologie, pas de la même durée, pas des mêmes contraintes, mais quand même. Derrière les mésaventures d'un jeune couple de mariés, aussi malheureux et malchanceux dans leur travail que dans leur recherche de logement, derrière une forme de stabilité désirée mais inatteignable, on ne peut s'empêcher de penser au contexte historique de production, dans l’Espagne franquiste de 1958. L'allégorie fait peu à peu son chemin.


"La Vida por delante" joue dans le registre de la comédie et s'amuse de la situation précaire d'un couple de futurs bourgeois (ou qu'on imagine tel, du moins). Elle est psychologue, il est avocat, bientôt. Et tout est dans le bientôt, dans sa façon d'être un étudiant pas vraiment brillant, dans les contraintes que cela impose au quotidien. Derrière les rires occasionnels, la dure vie de tous les jours de l'époque. On pense même parfois aux plus célèbres comédies italiennes contemporaines, à la différence près qu'elles ont émergé dans les années 50/60, longtemps après la fin du régime de Benito Mussolini. Ici, on est en plein dans la dictature de Franco, diffuse, bien imprégnée, de la fin des années 30 au milieu des années 70.


Difficile de ne pas ressentir une certaine fraîcheur, quand on connaît le contexte historique, devant tant d'innocence et de simplicité. Il y a du néoréalisme italien chez Fernando Fernán Gómez, c'est une évidence, mais "La Vida por delante" propose aussi une utilisation du flashback intéressante, sous forme de perspectives multiples éclatant les points de vue. Les petites originalités sont nombreuses, comme par exemple le bégaiement utilisé comme procédé narratif lors d'une courte séquence (les images bégaient comme le personnage qui raconte l'histoire), et font de ce film largement méconnu une vrai curiosité digne d'intérêt.


[Avis brut #82]

Morrinson
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le 15 avr. 2016

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