Comme quoi on peut faire un film avec 3 francs Zissou

Il est des films qui vous rappellent ce qu'est le cinéma à la base. Je ne parle pas de Cinéma avec un grand « C » comme Cahier du Cinéma. Je parle d'une machine à fantasme, d'une machine à trucs, d'un artisanat qui donnerait vie à des personnages fantaisistes sortis d'un imaginaire fantasque. Je parle de cinéma qui vous fait oublier les conventions et le réalisme, ainsi que les acteurs derrière les personnages.

Je parle du cinéma auquel Gondry prétendait appartenir avant de nous montrer qu'il était capable de faire Green Hornet.

Le film de Anderson commence par une sorte de mise en abîme : la projection d'un film qui prévient que le film portera sur un film dans lequel le personnage principal mettra sa vie en scène ; le tout projeté sur une scène de théâtre. Le ton est donné : loufoque, absurde, fantasque, plein de dérision et d'ironie, de cynisme et de tendresse.

Le pitch, intimement lié à sa mise en image, ne gagnerait rien à être raconté, mais on se rend compte très vite au visionnage du film qu'il est encore possible de raconter des histoires pleine de thématiques d'une simplicité universelle tout en leur accordant une telle richesse de traitement qu'on s'éloigne remarquablement d'un résultat simpliste.
La réalisation est une petite pépite de trouvailles et de trucs artisanaux ; pas de fond verts, pas d'images de synthèse, pas de décors générés par des heures de calculs de rendu, pas d'effets racoleurs pour noyer le poisson (humour contextuel).
Ici seulement des trucs de bricoleurs, du fait maison, de l'artisanat, des plans séquences et des travellings comme on en fait presque plus où la caméra se balade dans des décors merveilleux, fourmillant de détails et amenés à la vie par les personnages et la mise en scène (aaahhh l'intérieur du bâteau... !). Ici une caméra dynamique, vivante et pleine de références. Ici un bestiaire aquatique fabuleux fait d'animaux de fantasme animés en stop-motion. Ici des dialogues qui font mouche et de l'humour distillé, des têtes connues qui parviennent à exprimer l'extravagance de leur personnage sans cachetonner .
Et enfin un réalisateur qui sait utiliser de la bonne musique, à bon escient.

La vie aquatique est aussi un film qui parle de quêtes et de conquêtes et de reconquêtes . Celle d'un rêveur cynique et fatigué à la poursuite d'une chimère dont on se demande tout le long de l'histoire si elle existe vraiment, celle d'un homme à la recherche d'un père lui-même cherchant à faire modèle de figure paternelle alors qu'il n'a jamais voulu être père, celle d'une femme qui se perd pour trouver un homme qui pourrait être un père pour sont fils à naître, celle d'une femme qui quitte l'homme qui n'a jamais pu être le père de ses enfants au moment où il devient père.

La vie aquatique ou l'histoire d'un poisson qui se mord la queue, une farce touchante et poétique, baignant dans le dérisoire et l'ironique sans faire de vague, jusqu'aux dernières minutes qui vous submergent.
real_folk_blues
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le 12 mars 2012

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