En adaptant la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude, Abdellatif Kechiche livre une oeuvre éminemment sincère et révèle le talent de la jeune Adèle Exarchopoulos.

On croyait avoir déjà trouvé la révélation féminine du 66ème Festival de Cannes en la personne de Marine Vacth, mais la compétition vient de se corser. Une des premières choses les plus frappantes de La vie d’Adèle, dès ses premières minutes, est le naturel avec lequel Kechiche filme et l’implication des acteurs. Un groupe de jeunes lycéennes débattent sans une seule fausse note, un repas en famille nous affame, les larmes d’Adèle nous émeuvent. Personne n’est idéalisé ou caricaturé : il s’agit simplement du quotidien tel que nous avons tous pu en faire l’expérience.

Les émotions des personnages transpirent de chaque scène, chaque plan, jusqu’à nous bouleverser. L’empathie quasi-fusionnelle que nous développons à l’égard Adèle et Emma en l’espace de quelques heures – que nous ne voyons pas passer – est exceptionnelle. Doucement, nous accompagnons l’héroïne dans sa découverte de l’amour, du désir et de la vie.

Le bleu était la seule touche de couleur que s’autorisait Julie Maroh dans sa bande dessinée en noir et blanc. Kechiche utilise le bleu comme catalyseur, qui harmonise notre expérience, créant un univers propre au film, et qui met en exergue certains détails hautement significatifs comme une simple bague. La mise en scène est léchée, travaillée, perfectionnée et aucun plan n’est laissé au hasard, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Les scènes de sexe, par exemple, peuvent paraître longues et gratuites mais elles sont la représentation d’un aspect de la vie d’Adèle qui revêt une importance capitale. Et la manière de les filmer, qui diffère d’une scène à l’autre, a une signification particulière du point de vue de son évolution.

Il y a d’ailleurs énormément de sensualité dans le film de Kechiche, qu’elle transparaisse dans les mots, les gestes, un repas, ou sa fascination évidente pour la bouche d’Adèle. Souvent, la sensualité et la gourmandise ne font qu’une. Tandis que la tragédie s’annonce par un cours de littérature, puis par un conte pour d’enfant, avant même qu’on la pressente.

Au-delà de ses talents et de son identité visuelle poétique, La vie d’Adèle est un récit touchant, vibrant de vie, abordant des thématiques universelles comme l’amour et la découverte de la sexualité bien sûr, mais aussi la solitude, la tristesse, la reconnaissance sociale, l’oubli de soi, la peur de l’autre, le désir de transmission filiale. Du rejet de l’homosexualité aux préjugés professionnels, en passant par les problèmes de couple, La vie d’Adèle traite de sujets concrets qui ont une implication déterminante dans nos vies.
Filmosaure
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Vus au cinéma en 2013, Les meilleurs films de 2013 et Les meilleurs films avec une héroïne

Créée

le 23 mai 2013

Critique lue 1.1K fois

23 j'aime

4 commentaires

Filmosaure

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

23
4

D'autres avis sur La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2
OEHT
10

Tomber amoureux

Une fille sort de chez elle au petit matin, s'éloigne dans la rue en remontant son pantalon puis se met à courir pour attraper son bus. Dans le train qui la mène au lycée, elle s'endort et nous...

Par

le 9 oct. 2013

240 j'aime

38

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2
guyness
5

Terre Adélie

Alors, je précise d’emblée que pour pouvoir apprécier la vie d’Adèle, il faut pouvoir mettre de côté deux ou trois détails qui pourraient agacer: le fait que sur près de 30 personnes qui ingurgitent...

le 19 févr. 2014

157 j'aime

29

Du même critique

Boule & Bill
Filmosaure
1

Boule débile

Que ceux qui déclaraient d’emblée, sans même avoir vu le film, que l’on massacrait leur enfance à la scie sauteuse, se rassurent : ils avaient raison. Nous passerons outre le débat sur la médiocrité...

le 1 mars 2013

111 j'aime

51

Only God Forgives
Filmosaure
5

Critique de Only God Forgives par Filmosaure

Comme pour dissiper une confusion existant depuis le succès de Drive auprès du grand public, Nicolas Winding Refn revient avec Only God Forgives, un exercice hautement stylistique qui relève plus du...

le 22 mai 2013

86 j'aime

13

L'Odyssée de Pi
Filmosaure
9

Prière cinématographique

Ang Lee nous a montré au cours d’une filmographie hétérogène qu’il était capable du meilleur comme, si ce n’est du pire, tout au moins du médiocre (oui toi Hulk, je te regarde). L’on tend à retenir...

le 4 déc. 2012

74 j'aime

10