Après une troisième vision du film, je me dis qu'il est peut être temps d'en écrire quelque chose...
Pour commencer, le cinéma de Kechiche me fait gravement chier...
Je tiens à le signaler, au cas où, ça peut aider...
Kechiche n'est qu'un relent de Pialat qui tenterait de se prendre pour un Rohmer avec les élans d'un Bergman né sous le signe de Von Trier... Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire...
Filmer le vrai, filmer le naturel, c'est bien, mais parfois c'est chiant. Tout le monde n'est pas doué là dedans, et Kechiche est persuadé qu'il l'est (manque de pot pour moi, beaucoup de critiques le pensent aussi), alors qu'en fait il se contente d'appliquer une méthode précise qui fini tôt ou tard par aboutir a quelque chose...
Hélas, n'est pas Hitchcock, Pasolini ou Kubrick qui veut... Derrière ces réalisateurs parfois qualifié de 'tyranniques', se cachait une part de 'génie' qui fait cruellement défaut à Kechiche...
Résultat, je trouve la grande majorité de ses films plutôt médiocres, pour beaucoup de raisons, mais principalement pour cette réalisation que je trouve atroce...
"La Vie d'Adèle", j'en suis convaincu, n'est qu'un merveilleux accident.

Alors non, je ne reviendrais pas sur le film, je pense que tout a déjà été dit et redit, et re-redit...
C'est une histoire d'amour, moderne, qui a l'air vraie, classique tout en restant un zest romantique mais ancrée dans un réel souvent crédible, bla bla bla...
Constat sur les classes sociales, sur l'homosexualité, l'amour universel, message du film, symboles, illustrations, bla bla bla...
Les actrices, la réalisation, la photographie, le montage, la bande son, les lumières, la Palme d'Or, bla bla bla...
Les conditions de tournages, Kechiche est un enc*lé, techniciens et acteurs pas contents, bla bla bla...
[Pour un exemple d'avis construit sur plusieurs des points ci dessus, essayez la critique faite par LeYeti http://goo.gl/ky6AWR ]
Malgré (ou grâce à) tout ça, ce produit cinématographique pris tel quel, en ne prenant en compte que les -presque- 3h du film, sans avant, sans après, sans interférences extérieures, vaut bien le 8/10 que je lui ai accordé...
C'est un bon produit, il fait le taff, il s'assume, et nous emmène là où l'on doit aller sans problème.
Mon souci majeur (ô moi pauvre petite chose fragile et pleine de ressentiment), c'est justement ce qu'il y a avant le produit cinématographique...
Histoire, scénario, et plus précisément, l'adaptation.

***** ATTENTION ---- CETTE PARTIE DE LA CRITIQUE PEUT MECHAMENT SPOILER CE FILM ET LA BD "LE BLEU EST UNE COULEUR CHAUDE" ---- ATTENTION ******

Pourquoi?!?
Chacune de mes visions du film ne me donnent qu'une envie : relire la BD pour laver mon âme de cette immonde souillure...
Alors oui, comme je l'ai dit, si on ne s'en tient qu'au film en faisant totalement abstraction de la BD, ça passe sans soucis (youpi), mais le souci, justement, lorsqu'on est un peu tatillon, c'est qu'on ne peut pas s'empêcher la comparaison (ouch)...
Et là ça fait mal... Là on se rend compte que d'une belle mais tragique histoire, Kechiche nous a pondu une histoire banale qui part totalement dans une autre direction...
Dans les rajouts importants, on notera l'apparition des parents (bobos) d'Emma, pourtant absents de la BD histoire de dénoter plus clairement avec les parents (pauvres) d'Adèle... La troupes d'amis (bobos) d'Emma, les aspirations artistico-carriéristes (bobo) d'Emma, Samir rencontré dans une soirée (bobo) devenant pourtant plus 'terre à terre' à la fin, etc... On se rend compte que Kechiche à voulu creuser un fossé entre son 'Adèle' nature et atrocement banale, et son Emma (presque?) élitiste qui plane au dessus de tout ça...
Pourtant ça donne un certain impact au film qui n'est pas toujours désagréable, au contraire...
Cela dit, le fait de rajouter ou de creuser certaines choses, le fait d'en enlever ou d'appliquer des changement trop prononcé ont eu tendance à 'saborder' l'adaptaion d'une "histoire d'amour" au profit de sa réécriture en une "histoire sociale"...
Que manque t-il vraiment par rapport à la BD? Quels sont les changements majeurs? Et bien c'est assez facile à voir en fait (de manière commenté et non exhaustive)...
Les peurs, les angoisses et les attentes du personnage d'Adèle (période lycée)? A la trappe...
Toute l'histoire sous-jacente, les complications et les aboutissants liés à "l'ex" d'Emma? On s'en tamponne et on passe carrement du 'premier baiser' à la premiere fois qu'elles font l'amour en une seconde...
Valentin qui n'est qu'un vecteur parmi tant d'autres et non plus un personnage secondaire capital? Battage total, un copain gay du coté de l'héroïne ça ne démarque pas autant que si on lui collait uniquement des hétéros dans les pattes et qu'elle se sentait mal à l'aise tout le temps, il ne faudrait pas laisser le coté "histoire d'amour" prendre le dessus sur le coté "histoire sociale"...
La rupture violente et sans concession entre 'Adèle' (oui, j'utilise le prénom du film, sinon certains sont bien capable de ne pas comprendre) et ses parents lorsqu'ils découvrent leur liaison? Rien à carrer, dans la vision du réalisateur elle n'est pas franchement gay, plutôt bi-curieuse et amoureuse, donc pourquoi s'attarder sur des détails...
Emma qui devient un stéréotype de 'butch' bobo a fond sur la branlette intellectuelle et a fond sur sa carrière? Un cliché vaut mieux que deux tu l'auras (et puis c'est bien connu, dans un couple de lesbiennes il y en a forcément une qui fait le garçon; la charmante blonde aux cheveux mi-long --période 'vie d'adultes', sinon les cheveux sont bleus, obviously--, sensible et rongée par le doute de la BD, ça n'aurait pas collé) et en plus ça sert le propos du réalisateur sur les écarts entre les classes sociales!...
La maladie d'Adèle? Pourquoi faire, on a une fin ouverte sur tellement de possibilités que tout ce qu'on voit c'est du vide, merci Abdellatif...
Et bien entendu, tout le processus narratif via le journal de 'Adèle', le système de flashback, et toute la fin de la BD sont évidemment absent car si 'Adèle' n'est pas malade, ça n'aurait aucun sens d'en user...

Une des forces de la BD, c'est d'avoir su raconter la même 'histoire d'amour' que celle (presque) vue dans le film... Avec plus de force, plus de panache, plus d'intensité, plus de détails, moins de cul, moins de dialogues inutiles et surfait, moins de personnages, plus de passion, plus d'amour, et avec une fin totalement différente...
La mort de Clémentine ('Adèle' dans le film) pousse la réflexion sur le remord, le regret, la tendresse et l'importance des souvenirs, nous montre (parfois maladroitement) comment une personne arrive a graver son image dans nos vies et continue de vivre a travers nous même lorsqu'elle disparait, que la mort n'est pas une fin en soi, que tout à de l'importance, que parfois la vie est naze mais qu'au final mieux vaut une fin pourrie que d'avoir vécu sans l'autre, etc...
Tellement de choses absentes du film...
La fin de la BD, bien que triste en soi, reste optimiste... Elle s'attache au positif, montre que se reconstruire n'est pas toujours une mauvaise chose, et que l'amour qu'on a en soi, on ne le perd jamais vraiment, on l'emporte avec soi... Que dans une belle histoire d'amour, même si elle se fini mal, on se rappellera (avec du recul) plus facilement de ce qui était beau, des bons moments, des sourires, du bonheur, de l'amour, plutôt que de toutes les saloperies arrivées après...
Les saloperies sont toujours là, sans ça on n'en serait pas là, mais au final ça n'est pas si tragique... L'important n'est pas la destination, c'était le voyage qu'elles ont fait ensemble...
Alors oui, c'est évident, de nombreux films ont déjà abordé ce thème, de "Love Story" à "Moulin Rouge", ce ne sont pas les variations qui manquent... Mais vu la qualité du métrage, cette fin 'classique', romantique et tragique à souhait aurait surement pu changer la donne et faire de ce film une des plus belles histoire d'amour vue au Cinéma...
A la place, Kechiche avec sa fin (ses fins... trop de fins...) passe-partout nous montre une 'Adèle' encore accro, qui n'arrive pas à se détacher, limite obsessionnelle, et se contente de nous dire "T'es encore amoureuse? La vie continue, trace ta route petite, t'as tout foiré, maintenant faut avancer, et c'est bien fait pour ta gueule"... Le tout bien souligné par cette Adèle qui se rend compte que ses peurs étaient justifiées, dans son couple elle était seule, Emma l'a bien vite oubliée, elle s'est mise en couple avec celle sur qui Adèle avait des doutes, et fonde avec elle la famille dont Adèle rêvait, et l'image qui reste d'elle n'est plus qu'un simple cliché souvenir, son image n'est plus qu'une simple image mais n'est pas la personne qu'elle est. Si "elle est encore sur le tableau", ce n'est qu'un vestige d'un passé déjà loin dans la vie d'Emma, elle qui était le centre de son univers, la voilà exclue définitivement, malgré toute la tendresse qu'Emma peut bien avoir à son égard... Elle ne fait plus partie de ce monde, elle le sait, et elle s'en va résignée... (Et puis au fond, humainement et socialement, elle n'a jamais vraiment fait partie de ce monde là, et ça le spectateur s'en rend compte grâce au bourrinage intensif du réalisateur sur le malaise presque constant chez Adèle depuis la scène du repas chez ses parents où elle leur présente Emma...)
On notera que le propos ici est l'inverse de celui de la BD. Dans la BD, il y allait de l'importance de l'image que l'on garde de son amour perdu, une sorte de sublimation de l'être afin de le preserver et de le cherir. Dans le film, l'image de l'amour perdu (explicitement montré avec le tableau d'Adèle dans la galerie d'expo) n'est que la ruine d'un passé paraissant lointain, un passé exorcisé pour Emma, et douloureux pour Adèle... Très loin de l'idée originale...
S'ajoute à ça la présence de Samir, ajout du réalisateur qui soulignait déjà le retour des penchants hétéro de son héroïne. Samir qui lui aussi à changé, il est moins rêveur, presque aussi blasé et resigné qu'Adèle, ne tente plus de vivre la bohème ou le rêve americain, est devenu plus pragmatique et plus 'stable'... Un parfait 'futur petit ami' pour Adèle apparemment, et cette idée est renforcée par la présence de la musique entendu lors du "coup de foudre" entre Adèle et Emma, et tout comme Adèle et Emma lorsqu'on entendait cette musique, Adèle et Samir prennent chacun une direction opposée donnant une ultime ouverture et d'ultimes interrogations : se retrouveront ils un jour? Est ce le début d'un nouveau chapitre dans la 'Vie d'Adèle'? etc
Un discours qui colle plus avec ce qu'il a fait du reste du film, mais à des lieues de ce que nous disait la BD...

************ FINI DE SPOILER *************

Le cinéma à montré plus d'une fois qu'une adaptation raté pouvait donner un excellent film...
"Blade Runner", "Forrest Gump" et tant d'autres sont là pour témoigner qu'une adaptation foiré peut faire un grand film, et qu'on n'en voudra à personne, qu'on se dira qu'au fond c'est différent, mais c'est pas plus mal, etc... (non, je ne me lancerai pas dans les adaptations ratées qui donnent des films de merde et qui nous dégoutent au plus haut point)
"La Vie d'Adèle" fait partie de ceux là... Une adaptation bien merdique, une horreur, le truc abominable, limite innommable; qui pourtant donne un bon film...
Oui, j'ai aimé ce film, mais si d'aventure il m'arrivait de pleurer en le regardant, ça serait surement d'adorer la BD et de constater amèrement ce que Kechiche en a fait...

Créée

le 14 déc. 2013

Modifiée

le 2 mars 2014

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DocteurKi

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