"Le rire joue en ton visage, comme un vent frais dans un ciel clair" Baudelaire

C'est avec beaucoup d'émotion que je suis sortie de l'avant-première de La Vie d'Adèle. Des frissons plein les bras et la boule au ventre, je m'attaque à présent à l'écriture de mon ressenti.


Après trois quart d'heure de présentation de l'oeuvre et de remerciements (cérémonie d'ouverture du Festival International du Cinéma Indépendant de Bordeaux oblige), les ronds de jambes s'achèvent pour laisser place à la projection.


Sur un format de trois heures, La Vie d'Adèle narre l'évolution de ce personnage en quête d'identité sociale et sexuelle. ENCORE ? C'est un thème récurrent, me direz-vous ! Effectivement, à l'heure où la quête d'identité est omniprésente dans nos sociétés occidentales, le cinéma s'empare de cette faiblesse humaine typique de notre XXIe siècle. Ici, Abdellatif Kechiche nous parle de sexualité, d'amour.


Habituellement très peu attirée par les histoires d'amour au cinéma, c'est avec une appréhension énorme que je m'aventure à cette séance. Et pourtant quelle claque ... Tiré de la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude, Abdellatif Kechiche a fait de La vie d'Adèle un film au scénario tout à fait commun. Je ne croyais pas les gens qui me certifiaient que l'on pouvait traiter l'amour de mille façons différentes sans tomber dans le cliché. Je suis aujourd'hui convaincue qu'ils ont raison. C'est avec poésie et finesse que l'on savoure ces trois heures de film. Finalement, c'est par la simplicité du scénario que la réalisation devient intéressante : "Deux femmes s'aiment. Vous avez trois heures."


Sensible à la beauté des images, (comme j'ai déjà pu en parler dans mes papiers sur American Beauty, ou encore CashBack), Abdellatif Kechiche livre un bijou d'esthétisme en mettant en scène deux actrices aux talents formidables. Calmons les ardeurs, camarade ! Cessons les éloges et essayons d'être constructif.


Connaissant déjà Léa Seydoux à travers Grand Central actuellement au cinéma, je fut déçue de sa prestation plutôt plate. La redécouvrant dans La Vie d'Adèle, on peut être clairement convaincu que la direction d'acteur y est pour beaucoup. En effet, les plans sont souvent centrés sur les visages des deux actrices, leurs corps, leurs bouches, leurs regards. Tout est travaillé pour que le rendu soit en permanence sensuel, mais également simple et d'une candeur indéniable à la fois. Adèle n'ayant que 15 ans dans la première partie du film, il fallait accentuer cette jeunesse pleine de fougue qui la transperce, et le rendu est d'une beauté déconcertante. Chaque plan est pur et abouti. La photographie très travaillée apporte un aspect presque mystique, qui rejoint l'idée de sexualité. La subtilité et la sensualité féminine transpire à travers chaque détail.


Cependant, les scènes de sexe entre les deux personnages ont particulièrement retenu mon attention. L'ensemble de la réalisation est remplie de finesse et d'intelligence, notons par exemple que la couleur bleue est omniprésente, par petites touches, en référence à la bande dessinée ; en revanche, concernant les scènes de sexe, les plans plutôt longs m'ont paru être l'inverse de l'effet esthétique recherché par le réalisateur. Les plans souvent larges nous donnent vue sur les deux corps s'entremêlant de façon très exposée, très crue et parfois un peu longues, ce qui n'était selon moi pas forcément nécessaire.


Enfin, loin de l'analyse purement filmique, je retiens une chose concernant l'énorme succès de ce film grâce à sa Palme d'Or du Festival de Cannes. Traitant d'une histoire d'amour entre deux femmes, je me suis demandée à plusieurs reprises si la réussite n'était pas due au sujet en lui-même. Très en vogue, traiter de l'homosexualité aurait pu être interprété comme une façon de surfer sur la vague. Finalement, après le visionnage, je suis satisfaite de ne pas être allée voir un film revendicatif qui aurait clairement gâché le succès d'Abdellatif Kechiche.


Afin de tirer mon habituel chapeau bas, je souhaite partager quelques vers de Baudelaire qui m'ont sans cesse trotté dans la tête pendant la séance de cinéma :


Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.


A celle qui est trop gaie (sans mauvais jeu de mot...) - Baudelaire

Rachel_Youya
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le 4 oct. 2013

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Rachel Youya

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