Par où commencer ? Je reste perplexe devant ce film comme devant les louanges auxquels il a droit. Le buzz insupportable autour des pratiques de Kechiche, présenté comme un réalisateur humainement exécrable, les interviews plaintives de Léa Seydoux & Adèle Exarchopoulos m'avaient ôté l'envie de le voir au ciné. Donc les conditions de visionnage ont pu jouer : un lien streaming {cam] pas terrible avec le décompte des minutes tout en haut, ça ne donne pas la même immersion que dans une salle obscure où on plonge plus facilement dans le film.

Pour les amateurs de Kechiche, on a le droit au même processus que dans La graine et le mulet ou L'esquive : une réalisation qui se veut 'réaliste", une immersion dans le vécu des personnages, une avalanche de références littéraires, picturales et philosophiques, genre "tu la sens ma culture" Si dans ces précédents films ça ne m'avait pas vraiment gênée, là je trouve qu'il pousse cet étalage jusqu'à l'indigestion et franchement la tirade d'Emma (Léa Seydoux) sur Sartre n'est pas crédible car elle sort littéralement de la bouche de Kechiche (La vie d'Abdel ?) et Seydoux n'a pas l'air de comprendre, ou de croire, ce qu'elle raconte.

Pour celles et ceux qui ont lu la BD, je sais que c'est une adaptation libre, mais c'est quand même très décevant. Le problème étant que là où la BD raconte le processus d'une jeune fille qui se cherche, le film passe carrément à côté de cette recherche qui est pliée vite fait, les scènes clefs sont passées à la trappe (l'engueulade avec Emma, la peur et la honte d'aimer une fille, la scène où ses parents la virent après avoir découvert leur aventure, etc) Là où visuellement, la BD apporte doucement et par petites touches les couleurs (ça aurait été intéressant à l'écran !), le film use du bleu de façon hasardeuse et un peu redondante. Et surtout, l'aspect "'journal intime" est complètement laissé de côté, ce qui empêche de vraiment rentrer dans la tête d'Adèle, dans ses pensées, ou d'avoir une prise quelconque sur le temps qui passe (le montage est assez brutal de ce côté-là) A défaut de tout ça, on aura une vue imprenable sur la bouche éternellement ouverte d'Adèle, quand elle dort, quand elle marche, quand elle jouit...

Car ce qui reste très consternant ce sont ces scènes de cul improbables, ce dispositif pervers qui met deux actrices hétéros, qui n'ont aucune idée de comment faire jouir une fille, dans des positions pas possibles et sans aucune indication ! (en effet, il n'y a pas eu de storyboard pour ces scènes -wtf ?- ni de coaching quelconque) Et franchement, elles galèrent. Et franchement, cette vision est vraiment celle d'un homme. Je sais qu'on fait tous/toutes l'amour différemment mais faut pas pousser...qui fait des cunnis comme on fait des pipes ? Leur première fois, prise au millième degré, est à mourir de rire. Enfin bref, pour le coup, il aurait mieux fallu prendre des actrices lesbiennes...ou un peu au courant...ou, mieux, une réalisatrice ? Même hétéro, ç'aurait été plus réaliste.

Parce que c'est là le vrai problème : avec la réalisation immersive et le style documentaire de Kechiche, ces scènes sont sensées refléter la réalité. Raté...Intéressant d'ailleurs car plus tard dans le film, Joachim, l'ami galeriste d'Emma, déplore que l'extase des femmes soient peintes...par des hommes ! Touchant ici à l'un des éléments du film : Kechiche passe à côté de cette extase. La représente à travers son prisme limité.

Les trois heures m'ont paru interminables, beaucoup de blabla intellectuel assez creux, malgré tout quelques éléments restent positifs :

* Adèle Exarchopoulos joue très bien, elle est toujours juste. Elle se démarque face à des seconds rôles parfois très moyens ; Léa Seydoux, d'ordinaire si insupportable, s'en sort plutôt bien.

* Quelques bonnes idées de mise-en-scène et de réal : le parallèle des dîners Adèle chez la mère de Léa / Léa chez les parents d'Adèle est une bonne idée. Dans les deux cas, les parents font des remarques sur la carrière qu'elles ont choisies, annonçant la différence de classe sociale & d'univers (huîtres chez Emma / sempiternelles bolognaises chez Adèle)

Euh/..je crois que c'est tout. Tant de techniciens maltraités pour un résultat si faible, ça fait mal au coeur; si au moins toutes ces souffrances avaient abouti sur un chef d'oeuvre on aurait pu comprendre. Même pas. Encore une palme d'or pas méritée, merci le timing (Mariage pour tous) !

Merci à Marie-Hélène Bourcier pour le titre, vous pouvez écouter sa critique ici : https://soundcloud.com/marie-helene-bourcier/chronique-mh-bourcier-la-vie , elle s'exprime mieux que moi ! "Vu, lu, dans l'cul ! "
Poka_Hontas
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le 22 déc. 2013

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Poka Hontas

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