Un premier mai 1995, Brahim Bouarram est tué par quatre skinheads pendant le traditionnel défilé du Front National. La France est sous le choc. Ce crime touche Bruno Dumont, il décide de dénoncer cette haine, ce racisme ambiant dans son premier long-métrage, La Vie de Jésus. Le film sera tourné deux ans après.


Ayant pour décor Bailleul, un village du nord de la France, Dumont filme l’ennui, l’ignorance, le racisme et la jeunesse face à tout cela. A travers une mise en scène froide ou le gras ne dépasse pas, comme le dirait Maurice Pialat, une bande de jeunes sans but, ni repère est filmée. Leurs incessantes et bruyantes virées en mobylette n’ont la plupart du temps aucun objectif. La seule motivation qui les animera tout au long du film sera « Aller casser la gueule au bicots ». Un bien triste spectacle.


Freddy le personnage principal, chômeur bien que très jeune, passe le plus clair de son temps à ne rien faire. Un ennui ou l’on se sent bien. Sa mère le loge, le nourrit. Sa copine répond à ses besoins sexuels. Ses copains le font rire. Une perspective d’avenir ne lui traverse en aucun cas l’esprit. Etre indifférent au présent, tout en se foutant de futur. Il n’a besoin de rien de plus, l’épanouissement personnel n’est même pas un horizon lointain.


Cet ennui, cette ignorance est une souffrance chargée de souvenirs pour Bruno Dumont. Tout au long de son œuvre il ne cessera de filmer sa ville natale Bailleul, théâtre d’une si triste France. Malgré ce qu’il aborde, l’esthétique est léchée, mettant en valeur des couleurs vives, des paysages à l’apparence triste bien que malgré tout discrètement magnifique. Question plastique chez Dumont, dès son premier film tout était déjà là, tout y était déjà réussi.


Evidemment cette vie est minoritaire et parle viscéralement à peu de monde, il n’empêche que le long-métrage est le terrible portrait d’une France délaissée, déboussolée.


La Vie de Jésus est un très grand premier film, d’une ampleur que peu de cinéastes arrivent à atteindre.


En 2015 le film est malheureusement toujours autant d'actualité et les militants FN font encore preuve de violence à leurs traditionnels défilés du premier mai.


Martin, Le Frisson de la Pellicule

MartinOM
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le 27 juin 2015

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