Habitué aux excentricités de nos cinéastes d’Outre-Quiévrain en matière de comédie, depuis le film fondateur d’un certain nouveau cinéma belge, C’est arrivé près de chez nous de Rémy Belvaux et André Bonzel en 1992, en passant par le cultissime Dikkenek d’Olivier van Hoofstadt en 2006, jusqu’au récentes comédies noires de Félix van Groeningen (La merditude des choses, 2009), ou de Vincent Lannoo (Au nom du fils, 2014), le cinéphile trépigne à l’annonce de chaque nouvelle sortie du même acabit.


Son attente est « récompensée » par un feel good movie, plus sérieux qu’il n’en a l’air. « Récompensée » est un bien grand qualificatif, car La Vie est belge du cinéaste Vincent Bal (initialement Brabançonne dans la version de travail, du titre de l’hymne de la Belgique) n’atteint pas le niveau de férocité des films sus-cités, et vaut surtout par la fraîcheur qu’il amène par les temps troubles qui nous plombent actuellement.


L’histoire est celle d’un concours entre deux fanfares, l’une wallonne, l’autre flamande, pour représenter le plat pays afin de ravir le titre de meilleure fanfare européenne. Le cinéaste Vincent Bal opte pour une comédie musicale, mais avec des tubes 100% belges en guise de support, l’occasion de vérifier une fois de plus si besoin est, que la variétoche flamande est un… concept. Les deux fanfares finissent bien sûr ex-aequo, et l’Europe va accueillir deux Belgique, allégorie politique s’il en est…
La fanfare flamande Sainte-Cécile est menée par Elke (Amaryllis Uitterlinden), la fille du chef d’orchestre, la fiancée du fils de Byl, son employeur en même temps que le sponsor principal de la formation. Autant dire une carriériste qui n’inspire pas la sympathie de prime abord.
De son côté, la fanfare wallonne En Avant est dirigée par Michel (Marc Weiss), frère du soliste trompettiste Hughes (Arthur Dupont), plus attiré par le jazz que par les fanfaronnades municipales. Avec sa bouille échevelée d’adolescent, l’acteur français imprime un côté plus artiste, plus bricoleur aussi, à sa fanfare.


Le ressort comique du film s’appuie sur l’étalage des clichés sur ce petit pays déchiré par une barrière linguistique totalement virtuelle in fine, car tous les flamands parlent en flamand et les wallons en français, sans que cela ne gêne en rien leur compréhension mutuelle. Des clichés qui sont égrenés, l’air de rien, par les membres de la fanfare : la rigueur des flamands, leur sens des affaires et du commerce, le romantisme des wallons, leur manque de self control, leur paresse et leur retard, tout est à l’avenant. Mais le cinéaste ne se prive pas non plus de vrais comiques de situation, tels dans cette scène d’enterrement ou dans cette autre où le personnage d’Arthur Dupont massacre joyeusement Plastic Bertrand, ou encore des comiques de répétition (« oh, oh, j’ai des soucis » répétera à l’envi Andries, interprété par l’excellent Tom Audenaert, une sorte de mix plutôt drôle de Benny Hill et de Mr Bean ), il ne se prive de rien, et au contraire use de tout un tas d’artifices pour essayer de hisser son film à la hauteur de ses prédécesseurs qu’hélas les moyens mis en œuvre ne permettent pas toujours d’atteindre : scénario assez simple, acteurs sans charisme, et une partie musicale risquée puisque seule la moitié des chansons intéressera des francophones, l’autre moitié des néérlandophones, le tout présentant un intérêt proche de zéro pour le reste du monde…


Avec ce thème de la fanfare, La vie est belge aurait pu être rapprochée à des films comme Les Virtuoses (Brassed off) de Mark Herman en 1997, ou La visite de la fanfare d’ Eran Kolirin dix ans après , mais ces films ont un ancrage social fort que le cinéaste belge a remplacé ici par une sentimentalité un peu naïve ( le jazz, l’histoire d’amour,etc.) et qui ne prête pas à conséquence.
Paradoxalement, le film plait grâce à ses défauts mêmes : la légèreté, les bons sentiments, les morceaux de Lio, d’Arno, de Pierre Rapsat, et d’autres. Quelques bonnes idées de cinéma émaillent le film, comme par exemple celle de choisir un chauffeur de taxi, dont le nom, Nazir, a une consonance étrangère, pour faire le pont, voire la paix entre ces deux « peuples ».


Mais La Vie est belge ne rejoindra pas le panthéon des must-see des comédies belges, même si ce sentiment de bien-être qu’il a procuré à ses spectateurs n’est pas à mépriser, et permet qu’on ne le balance pas directement aux oubliettes. Le cinéma est aussi divertissement, et comme disait George Cukor : « Le cinéma, c'est comme l'amour, quand c'est bien, c'est formidable, quand c'est pas bien, c'est pas mal quand même »…

Bea_Dls
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le 31 juil. 2016

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Bea Dls

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