[Mouchoir #61]

« J’ai filmé les gens du Louvre comme on filmerait un ballet. » C’est comme ça que Nicolas Philibert parle de son film. La formule est un peu réductrice. Non pas que je discrédite le ballet, mais disons plutôt que la mise en scène de Philibert va chercher autre chose, ne s’intéresse pas seulement aux déplacements, aux chorégraphies, même si elle en emprunte la musicalité.

La Ville Louvre, c’est surtout un grand jeu, ou plutôt un ensemble de tableaux ludiques où la scénographie joue à cacher, rallonger, mène à de fausses pistes et des portraits touchants dans leur simplicité et la façon dont ils semblent perdus dans ce grand palais en construction. Et moi, je veux bien jouer, mais à condition d’avoir quelque chose à gagner, que cela en vaille le coup. Et là, même si je ne boude pas mon plaisir, regardant avec malice ce que Philibert arrive à capter dans les coulisses, je reste sur ma faim ; surtout sur ces trente dernières minutes.

Car cette commande du Louvre, elle ressemble dans pas mal de ses recoins, à une œuvre promotionnelle de la diversité, des petites mains qui font tourner la machine. La démarche semble sincère, Philibert du bon côté de la barricade, mais le problème c’est qu’avec ce qu’il propose, il donne envie d’aller plus loin, d’être moins sage, moins gentil. Pour Dominique Païni, producteur exécutif, le film a permis « une entente de classes », mais une telle affirmation me paraît naïve et rejoint l’aveuglement habituel de l’idéalisme, surtout quand on sait que les syndicats ont gueulé à l’époque de la réouverture du Louvre. Par contre, si on prend au sérieux sa remarque, et si c’était le projet de Philibert, il y a malheureusement quelques pistes dans le film qui en attestent, notamment cette fin en portraits face cam franchement lourde. Si on imagine Depardon ou Wiseman sur un sujet similaire, on les voit mal user d’un tel procédé pour faire passer le message.

En fait, si La Ville Louvre est un film gentil, Une Visite au Louvre d’Huillet/Straub serait le film méchant, l’autre versant, une réponse virulente. Parce qu’on parle dès le début de ce qui n’est pas beau, qu’on utilise une commande du Louvre pour mieux vouloir en quitter les couloirs et pouvoir scander « Qu'on foute le feu au Louvre, si on a peur de ce qui est beau ! » Et ça, vous ne l'entendrez jamais de la bouche de Philibert.

3,5.

SPilgrim
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Notes sur un mouchoir de poche

Créée

le 22 mars 2024

Critique lue 10 fois

Critique lue 10 fois

D'autres avis sur La Ville Louvre

La Ville Louvre
constancepillerault
8

Critique de La Ville Louvre par constancepillerault

Magnifique documentaire qui nous présente le Louvre comme on le voit rarement, hors de la présence du public. C'est remarquablement filmé, et réussit la gageure de nous présenter la vie d'un musée ,...

le 7 févr. 2021

3 j'aime

La Ville Louvre
marceline
7

Critique de La Ville Louvre par marceline

Le film commence à dater un peu, ce ne sont pas les antiquités mais la garde-robe des conservateurs qui sent un peu la poussière. Malgré tout, cette histoire sans paroles - plus exactement sans...

le 30 nov. 2012

2 j'aime

1

La Ville Louvre
SPilgrim
3

Gentils gens

[Mouchoir #61]« J’ai filmé les gens du Louvre comme on filmerait un ballet. » C’est comme ça que Nicolas Philibert parle de son film. La formule est un peu réductrice. Non pas que je discrédite le...

le 22 mars 2024

Du même critique

Les Trois Lumières
SPilgrim
7

Ode à la Bête Humaine

J’ai récemment relu la critique de zombiraptor sur Interstellar. « Qu’est-ce que ça vient faire là ? » me direz-vous. Eh bien, sa conclusion résume ma pensée ; le reproche fait à Nolan est qu’il ne...

le 3 févr. 2023

7 j'aime

Crépuscule
SPilgrim
3

Le bon sujet réceptif

Mettons tout de suite cartes sur table. Ça fait plus de quatre ans que j'attends de voir ce film dont seulement une copie VHS semblait exister jusqu'alors. C'était sûrement ma plus grosse attente du...

le 4 avr. 2022

6 j'aime