Le cinéma africain est en pleine progression depuis quelques années. La révélation Timbuktu a ouvert les yeux à un public qui n’avait pas forcément l’habitude de se tourner vers le continent africain pour assouvir son désir d’exotisme dans le septième art. Half of a yellow sun, qui s’inscrit dans ce mouvement de naissance d’un genre africain, est un drame historique sur fond de romance. Il évoque la guerre civile nigérienne de la fin des années 1960, où le Biafra, une région du sud-est du pays fit sécession provoquant une guerre civile avec la junte militaire qui contrôlait le reste du pays. On estime à plus de 2 millions le nombre de victimes de ces trois années de conflit.


La guerre civile n’est pourtant pas le sujet principal du film qui préfère se concentrer sur la relation amoureuse conflictuelle entre Olanna et Odenigbo, qui enseignent à l’université et vivent dans une demeure confortable. En abordant la classe aisée nigériane, le réalisateur cherche à dénoncer cette forme de fausse hypocrisie. La célébration de l’indépendance en est un exemple édifiant. Depuis le départ des anglais en 1960, une forme d’aristocratie basée sur la fortune ou l’éducation s’est élevée socialement et a conforté les vieilles habitudes acquises sous la colonisation. Ces nigérians vivent dans des maisons de type british, sirotent du brandy en discutant politique, prennent leur thé à 17h, critiquent la mauvaise éducation et les mauvaises manières de leurs voisins.


Cette dénonciation implicite est mise en scène avec simplicité. Le film regorge de bonnes idées, mais celles-ci sont trop souvent ternies par de mauvais choix. De nombreux personnages secondaires n’ont pas vraiment un rôle important dans le récit alors que le réalisateur aurait pu se concentrer sur son duo star comme avait pu le faire Sam Mendes avec Kate Winslet et Leonardo DiCaprio dans Les Noce Rebelles. Chiwetel Ojiofor et sa partenaire Thandie Newton, très complémentaires, délivrent une prestation remarquable.


L’acteur britannique, a connu la consécration avec 12 Years as A Slave, le film oscarisé de Steve McQueen. Sa prestation époustouflante l’a révélé aux yeux du monde comme un acteur de tout premier plan, ce que Half of a yellow sun, malgré ses nombreux défauts ne fait que confirmer. Thandie Newton, quant à elle, se dévoile dans le rôle d’une femme forte et pleine d’indécision, dans un style bien différent de ses précédents rôles (À la Recherche du Bonheur, Mission Impossible II, Collision). Les personnages secondaires ne sont malheureusement pas au même niveau. Le personnage de Richard par exemple semble sorti de nul part et ne dispose que d’un intérêt minimal dans la construction du récit. Il apparaît lors de rencontres fortuites et sa présence ne se justifie finalement que dans les 20 dernières minutes.


Dans la première heure du film, les évènements qui affectent le Nigéria sont évoqués de loin, discutés, débattus autour d’un verre mais jamais montrés. Le réalisateur opère le choix de nous laisser en marge, au risque de faire chuter notre intérêt. Les scènes s’enchaînent sans transition cohérente. Les ellipses temporelles sont nombreuses et mal maîtrisées et on perd facilement la trame chronologique de l’histoire, ne sachant pas si une semaine s’est écoulée entre deux scènes ou plusieurs mois. L’insertion de petites parties documentaires permet de mieux resituer le contexte mais fait perdre en crédibilité l’aspect frictionnel du récit.


À courir plusieurs lièvres à la fois, le film ne trouve pas clairement son identité et se rapproche même des productions américaines ou européennes tournées en Afrique. L’aspect romanesque mis en avant par le réalisateur évoque imperceptiblement Out of Africa, certes dans un contexte historique différent mais il n’empêche que de nombreuses similitudes demeurent. Le duo Karen/Denys (Meryl Streep et Robert Redford), Olanna/Odenigbo (Chiwetel Ojiofor et Thandie Newton) s’aiment d’une même passion torturée et néanmoins inébranlable. Les nombreux conflits qui émaillent les relations ainsi que l’incertitude sur l’évolution de la relation sont également des éléments communs.


Le brusque changement qui intervient lors de la scène de l’aéroport augure une deuxième partie de film bien plus dramatique, comme si leur bulle avait volé en éclat, les laissant face à la réalité, brisant leur quiétude et faisant resurgir les divisions ethniques qui minent le Nigéria et l’Afrique plus généralement. Les rares moments de violence sont amenés avec maîtrise sans trop tomber dans le spectaculaire. Néanmoins ils sont bien trop peu présents pour comprendre l’ampleur du désastre de cette guerre qui a profondément marquée le Nigéria et ses habitants.


Le scénario n’est pas incohérent mais manque de profondeur et en se focalisant sur un unique point de vue, il manque d’avis divergents qui auraient pu amener un autre éclairage sur les évènements. Un autre problème provient du manque de cohérence et d’approfondissement de l’histoire. À peine une esquisse de situation dramatique est-elle ébauchée qu’on passe déjà à la suivante, sans se donner la peine de l’approfondir. Au final, on assiste à une narration décousue qui ne pose pas clairement les enjeux.


Plombé par des scènes de ménage omniprésentes et pas franchement justifiées, Half of a yellow sun n’en demeure pas moins un drame historique correct qui parvient à travers ses quelques fulgurances à nous surprendre.

Paul_Gaspar
5
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le 21 avr. 2021

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