Parfois, on a beau ignorer les airs de nanars que porte sur lui un projet de film sous prétexte qu'il n'y a pas de mauvais sujet ; on a beau négliger les premiers échos catastrophiques qui tombent après les premières projections-presse au nom d'une candeur cinéphilique louable ; on a beau être disposé, en dernier recours, à faire preuve de la plus extrême magnanimité puisqu'après tout, le cinéma, c'est avant tout du divertissement… rien n'y fait : comme les généralités, les prédictions suffisamment éloquentes tapent la plupart du temps dans le mille. Cette prévisibilité peut scandaliser les plus idéalistes d'entre nous, ceux qui refusent ce triste déterminisme, mais là encore… rien n'y fera. À la fin, l'idéaliste désillusionné sera obligé de reconnaître l'epic fail. Vous savez, ce truc-là, qui vous paraissait un parfait candidat au nanar de l'année pour quelques petits riens, comme la présence de Donald "Community" Glover au générique, aussi atrocement réducteur que cela paraisse ? Ben, c'en est un.


The Lazarus Effect a une qualité que certains, voire la plupart verront comme un défaut, et sans doute à raison, mais on s'en fout : il a quelques jolies promesses. Le film commence plutôt bien, en fait : on a des savants trop aventureux pour leur bien (figure connue), une expérience borderline que personne ne devrait expérimenter à moins d'être suicidaire (autre figure connue), un chien ressuscité d'entre les canins canés en guise d'annonciateur du pire (moins connue), et des considérations toujours louables sur Dieu et la science, la vie après la mort, etc. On s'attend à une variante un peu evil du culte L'Expérience Interdite, de Joel Schumacher, éventuellement croisée avec l'Event Horizon de Paul W.S. Anderson (de par sa thématique de l'enfer), et qui sait, ça pourrait faire une série b horrifique très divertissante ! Après tout, la descente en flammes du film de Paul W.S. Anderson par la critique, dans les années 90, ne l'a pas empêché d'atteindre le statut de petit culte, parce qu'EH a beau ne pas casser trois pattes à un canard sur les plans scénaristique et cinématographique, il n'en propose pas moins un concept choc qu'il parvient à exploiter un minimum : un voyage contre-nature de l'Homme à travers l'espace-temps dont il ne revient pas seul (tan-tan-taaan). C'est peut-être kitsch, mais ça inspire au cinéphile aventureux et amateur de fantastique des émotions fortes ! Arrivé à mi-métrage, quand The Lazarus Effect touchera le cœur de son histoire, avec la Zoé démourrue et un peu bizarre sur les bords, on s'attendra à être pareillement malmené psychologiquement – parce que ça marque un peu, d'avoir crevé, même si ça n'a pas duré longtemps –, surtout quand Zoé-zombie commencera à réaliser ce qui lui arrive. C'est quand même fort ! Non ? Event Horizon arrivait à réunir des pop-corneurs autour d'un home cinema dans la fièvre gloutonne du samedi soir plan-plan, alors pourquoi pas TLE ? Ben, il essaiera. Et il se plantera.


La faute à son manque d'ambition interstellaire : Event Horizon avait des idées de développement mais n'avait pas les compétences appropriées ; TLE n'a même pas les idées. Et ça se constate dès le début : chacun des personnages tient sur le quart d'un ticket de métro déchiré en deux et leur caractérisation est d'une pauvreté scandaleuse, même dans un film du genre (Niko est amoureux de Zoé... et c'est tout) ; ce petit monde, censément éveillée et éclairé, accueille la nouvelle d'une putain de résurrection comme on réagit à un changement d'horaire de train intempestif (ça va, c'est juste un clébard !) ; le chien-zombie en question ne fait peur à personne (vas-y, Rex, joue la malignité diabolique !) ; et le dialogue sur la lumière blanche donne l'occasion au personnage de Zoé de décrédibiliser brutalement son personnage (aucune scientifique diplômée ne tiendrait son discours mystico-crétin). Moult scènes capables, entre les mains d'un scénariste compétent et inspiré, de fasciner sur une longue durée, sont expédiées en trente secondes et sur un ton vaguement concerné par David Gelb, dont c'est la première réalisation, et ses deux scénaristes pas super-expérimentés… La performance de la jolie Olivia Wilde, comme toujours aussi intense que ses grands yeux, ne sauvera pas son personnage, pas vraiment aidée, il faut dire, par un Mark Duplass sous Lexomil. Rien n'y fait : série b ou pas, on ne plaisante pas avec certains sujets, entre autre parce que rien n'interdit de cogiter tout en s'amusant.


Ce manque d'inspiration scelle le destin tragique du film : plutôt que d'explorer le malaise viscéral de Zoé et de développer ne serait-ce qu'UN PEU les implications métaphysiques d'un tel cas de figure auprès des "scientifiques", le dernier tiers ruine un peu tout (encore un air connu), transformant un personnage potentiellement fascinant en vulgaire croque-mitaine vengeur (vengeur de quoi ?) servant uniquement à zigouiller les gentils les uns après les autres… le furieux air de Sadako qu'a parfois Olivia Wilde (longs cheveux noirs en bordel sur la figure) ne faisant que confirmer ce feeling. Et encore, là aussi, ça aurait pu être bien géré, histoire de limiter la casse : slasher, ok, mais slasher efficace ! Las, à l'exception de quelques "jump scares", TLE n'effraie personne, la faute là encore à la réalisation bidon de Gelb : par moments, cette dernière donne l'impression de subir la démo d'un jeu vidéo d'horreur du type F.E.A.R. 2, par-dessus le marché joué par un gros naze, et le film se transforme en train-fantôme linéaire et prévisible dont on traverse les scènes d'épouvante sans se sentir impliqué (les scènes dans l'esprit d'Evil Zoé en font partie). À un stade du récit, l'action rappellera celle du mauvais Hollow Man : des scientifiques bloqués dans un laboratoire souterrain aux issues condamnées par une créature surpuissante, ça vous dit quelque chose ? À la différence que HM bénéficiait de la mise en scène de Monsieur Paul Verhoeven…


Le seul élément original de TLE, et la seule surprise qu'il nous réserve, est [Spoiler alert !] de faire survivre la petite rouquine Eva en dernier, alors qu'on s'attendait à l'exacte inverse (la nouvelle venue dans le groupe sera la première à se faire dégommer). Cette pirouette, qui rappelle la Ripley d'Alien (sortant du lot à la fin du film alors qu'on prenait Dallas pour le héros), sauve le film de l'ineptie totale, car il survient au moment où il n'y a très clairement plus rien à attendre du personnage de Zoé. On a mis son cerveau en veille pour ne pas laisser son esprit critique vitrifier ce que l'on voit, et l'on sait que la tuerie ne suscitera pas le moindre émerveillement d'amateur de tueries : ne restera plus qu'Eva, jouée par la jolie et convaincante Sarah Bolger. Enfin, ça restera quand même bien, bien maigre.


En fait, le seul élément rédempteur de TLE, ce qui fait qu'il restera dans la case "gentil nanar inoffensif à voir pour rire" plutôt que de basculer dans celle, nettement moins sympathique, du "foirage intolérable", est qu'il a le bon goût d'être très court (moins de 90 minutes). C'est con, dit comme ça, mais ça compte : du coup, on n'a pas le temps de s'ennuyer, surtout si l'on compte parmi les pop-corneurs optimistes qui y auront cru jusqu'à mi-métrage à peu près. Entre un film comme l'Inherent Vice de PTA (sorti à la même époque) qui dure 2h30 alors qu'il n'a qu'une demi-heure de qualité à offrir et un film comme The Lazarus Effect qui n'a que dix minutes décentes à proposer mais dure moins d'une heure et demi, notre choix est vite fait !

ScaarAlexander
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le 28 avr. 2015

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Scaar_Alexander

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