J'avais peur qu'un film qui évoque l'homosexualité au Maroc ne tombe dans l'écueil cliché d'un couple dont le mari n'aime pas sa femme mais se force à rester avec elle afin de ne pas se faire exclure de la société. Mais ce film traite le sujet complètement différemment et c'est tellement plus beau, plus réaliste. Maryam Touzani explore la complexité de l'amour, qui se différencie de l'attirance sexuelle. Halim aime sa femme, il l'aime plus que tout mais Halim est attiré par les hommes.

Halim est un maalem et, tout au long du film, ce métier va être sublimé, célébré. Cet artisanat va être filmé avec douceur, on ressent tout le respect que porte la réalisatrice à ce métier. Il y a de magnifiques scènes où se mélangent désir et passion, dans lesquelles Halim transmet son art à son apprenti. Grâce à des gros plans sur ses personnages, on semble pénétrer l'intimité d'Halim et Youssef, comme si en tant que spectateur, on ressentait le même désir qu'eux. J'ai trouvé ça très fort et je ne comprends toujours pas exactement comment Maryam Touzani réussit à nous faire ressentir ça.

La relation qui va se tisser entre les trois personnages ne rentre pas dans les codes de la société qui voudrait que Mina soit jalouse de Youssef, ce qui sera le cas dans un premier temps. Une fois ses propres préjugés dépassés, Mina l'accepte et se prend même d'affection pour lui.

Les sentiments sont exprimés avec une pudeur bienveillante, parfois à travers de simples gestes, attentions, sourires entre Mina et Halim. J'ai été fascinée par la finesse des dialogues qui arrivent à raconter l'amour à travers les mots mais aussi dans les silences. Les relations évoluent parfois avec des simples échanges de regards.

Mina est le personnage le plus proche de la mort et pourtant c'est elle qui rayonne dans le film. Elle est solaire, intrépide et si forte. C'est un personnage féminin inspirant et très proche du réel car elle a ses failles, ses jalousies.

En bref, Le bleu du caftan s'apprécie pour son langage de l'amour unique, sa douceur, le regard qu'il porte sur un métier qui se perd, et la beauté des médina marocaines. Il se vit comme un voyage, un espace-temps dans lequel on peut s'immiscer, se réfugier pour quelques heures et où on se sent bien.

anandhi
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le 12 juin 2023

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