Poésie

Décrire Le Bouton de nacre est aussi difficile que de restituer un poème. Le génocide du peuple de l'eau chilien et les crimes du régime de Pinochet ne sont pas exposés sur le ton académique du documentaire, mais évoqués par une cascade de photos, de visages, de paroles, d'histoires, de chants et de sons, en somme de petites choses, qui seules ont ce pouvoir de donner vie à l'Histoire. On perçoit ainsi que consacrer son temps à sortir de la mer les rails lestant les cadavres des innocents assassinés est, en plus d'un acte de mémoire, un acte poétique.

Le film commence comme une lettre d'amour à l'Eau, de la minuscule goutte que caresse la caméra au quasar de vapeur photographié par les télescopes chiliens, de la glace qui craque, à la pluie qui tombe, à l'eau qui coule, qui chante et enchante nos oreilles. Puis s'entremêlent les témoignages de poètes, d'historiens, des derniers autochtones, chacun racontant la mer et les hommes. Et on se laisse submerger par les images, les sons et les émotions. Tout ces fragments semblent finalement raconter la même histoire, celle de la tragédie humaine, de notre impossibilité à ne faire qu'un avec le monde, de ce déchirement dont émane la poésie.
Sans qu'on ne parvienne jamais vraiment à comprendre comment, Patricio Guzman réussit à mêler le colossal au dérisoire, l'insignifiance des hommes dans le cosmos à l'importance pour l'univers d'un bouton de nacre, comme dernier et unique témoignage d'une humanité passée.