Révision d'une critique publiée en septembre 2020

Il est fort possible que Stage Door Canteen ait été un film de propagande commandé à Borzage par je ne sais quelle administration américaine pour accompagner l'effort de guerre américain en 1943. Je ne sais pas et ce n'est pas un problème.
Il est aussi fort possible que la "stage door canteen", qui a réellement existé, ait servi d'antidote aux braves "boys" qui partaient au casse-pipe à la manière du verre de rhum distribué aux soldats de la Grande Guerre avant de s'élancer de la tranchée vers les lignes ennemies. Je ne sais pas et ce n'est toujours pas un problème.
Ceci étant posé, le film développe bien des aspects dignes d'attention et qui ne me semblent pas relever de la propagande. Par exemple, nulle part on ne berce d'illusion le spectateur et encore moins le soldat, personne ne parle de gloire ou de lendemains qui chantent ; on parle plutôt de devoir, de travail difficile à accomplir que ce soit en Europe ou en Asie. Les témoignages des russes invités et qui sortent d'en prendre à Stalingrad sont significatifs de la partie de plaisir à venir.
Ceci étant dit, j'ai personnellement beaucoup apprécié ce film par les moments de tendresse qui alternent avec des moments de burlesque puis des moments forts de recueillement. Il ressort de ce film la peur qui cache son nom et que personne ne veut voir et l'espoir que tout ça devrait bien se terminer. Mais aussi les encouragements d'artistes connus et moins connus, à la manière des marraines de guerre des poilus dans les tranchées pendant la guerre de 14-18.
Une réplique d'une starlette, le coeur serré, résume à elle seule tout le film : "certains sont affreusement jeunes"
Le jeune California (Lon MacAllister) cache sa peur devant le constat "je n'ai jamais embrassé une fille" et le spectateur tremble à l'idée qu'il puisse partir (et mourir) sans avoir au moins eu l'impression d'être un homme.
Dakota (William Terry), le tombeur de ces dames dans son village du Middle West, se désole d'avoir échoué avec Eileen (Cheryl Walker) alors que sa vie à venir n'est qu'incertitude et que son temps est compté. Quant à Eileen, elle est là, pas tant pour accompagner ces pauvres boys que pour profiter de la situation pour se placer comme actrice. Sauf que l'empathie finit par l'emporter sur la vanité et elle tombera amoureuse de Dakota. Malheureusement, c'est trop tard. Il n'y a pas de Happy End. Il ne restera plus que l'espoir pour ces deux-là.
Côté spectacle, le spectateur que je suis, est gâté par les morceaux de Count Basie accompagné par Ethel Waters ou encore Benny Goodman dans son émouvant duo avec Peggy Lee dans "Why don't you do right". Sans oublier le sublime 'Ave Maria' de Schubert joué par un Yehudi Menuhim dont le regard que capte la caméra en dit long sur l'espoir et le néant. Et le Notre Père, chanté par Gracie Fields, qui force les soldats croyants ou pas à un bel instant de recueillement, comme à une bouée de sauvetage, m'a fait penser à l'émotion intense qui se dégage dans le bistrot des soldats à la fin des "sentiers de la gloire" de Kubrick quand la chanteuse parvient à capter l'auditoire.
Ce n'est peut-être pas le meilleur film de Borzage. Mais c'est un film qui me fascine chaque fois que je le regarde et que je n'oublie pas facilement. C'est un film qui dégage une force certaine. C'est un film qui nous interpelle.

Ce sont, pour moi, les critères d'un bon film.

JeanG55
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le 10 oct. 2022

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