Même s'il est toujours délicat de juger une œuvre de plus de cent ans, tant le cinéma a évolué, on sent bien que Le Cabinet du docteur Caligari fait partie des grands. Dans l'ambition esthétique déjà. Alors que l'expressionnisme allemand est déjà en fin de vie dans les autres arts, Caligari lui offre ses lettres de noblesse dans le cinéma. Le jeu des acteurs, les costumes, les décors toujours sombres faits de figures géométriques inquiétantes… Plusieurs de ces éléments seront repris dans les films des années 1920 (Nosferatu, Metropolis…) qui eux-mêmes nourriront les films qui suivront. Dans la richesse des sujets traités, aussi. En surface, c'est un "simple" film policier aux frontières de l'épouvante. Les niveaux de lecture sont pourtant nombreux. Les réflexions autour de la folie, de l'autorité et de la tyrannie (entre Caligari et Cesare), de la dualité (Francis et Caligari), etc. De quoi écrire des pages entières de philosophie et d'histoire ! Dans la construction scénaristique, enfin. La majorité du récit est présentée comme un grand flash-back, ce qui est encore très innovant pour l'époque. Sans compter le retournement de situation final qui, s'il n'est pas totalement inattendu, et particulièrement bien amené - et traité. Bref, un film à voir et qui, s'il fait historiquement partie de l'enfance du cinéma, est déjà bien plus que ça.