Dans la foulée des visionnages du franchement pénible So Dark The Night et du passable Terror In A Texas Town, je ne débordais pas d'enthousiasme à l'idée de poursuivre mon exploration de la filmographie de Joseph H. Lewis.
C'est pourtant une excellente surprise que cette série B.
L'intrigue est assez vite résumée: une jeune femme londonienne cherche du travail, elle tombe sur une fausse agence qui lui promet un emploi de secrétaire à demeure auprès d'une bonne famille, dans un château en bord de mer, dans les Cornouailles. Le piège se referme, la mère et son fils la séquestrent et cherchent à la persuader qu'elle s'appelle Marion et qu'elle est l'épouse du fiston.
Si l'ambiance gothique peut faire penser à Rebecca, Dragonwyck ou encore The Ghost of Mrs Muir, le traitement de l'histoire est très différent.
On pourrait s'attendre à une énième variation autour de la figure de la jeune femme impuissante attendant que son sauveur vienne à sa rescousse mais le film devient très intéressant en faisant de cette héroïne un genre de Prisonnier avant l'heure, qui une fois qu'elle a compris les intentions de ses ravisseurs, ne cessera de chercher à leur échapper, faisant preuve à la fois de pas mal de cran et de beaucoup d'ingéniosité. Elle ne passe pas son temps à chouiner en attendant que quelqu'un veuille bien remarquer qu'elle a disparu.
Si certaines scènes sont gentiment pompées sur des classiques de l'expressionnisme allemand (l'intrusion dans la chambre par exemple), Lewis fait preuve d'un savoir-faire indéniable pour faire monter la sauce du suspense dans les scènes où elle tente de s'évader.
L'héroïne n'est pas la seule femme forte du film: de la logeuse à la mère en passant par la concierge, toutes ont un rôle déterminant dans l'intrigue et finalement, ce sont les hommes qui sont les êtres faibles, changeants et fragiles de l'histoire.
La métaphore de la vie conjugale comme enfermement est assez transparente, elle peut être mise en lien avec le contexte dans lequel se tourne le film: les femmes de 1945 ont pris goût pendant la guerre à leur sortie du foyer conjugal où elles étaient assignées. Elles ont travaillé pendant que leurs maris étaient à la guerre mais on leur montre de nouveau à la fin du conflit la direction de la cuisine.
Noir gothique à réussi, récit de manipulation sec et rondement mené, My Name Is Julia Ross dresse l'étonnant portrait d'une femme combative et affranchie. Je dis oui.

CyrilCht
7
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le 19 sept. 2020

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