Le Cercle Rouge est comme une abstraction ultime de l’univers Melvilien, poussant à fond les curseurs du Samouraï et de L'Armée des Ombres.
On peut voir ces flics et ces voyous comme des icônes sombres et désincarnées, prisonnières de leur destin : le cercle. Les personnages n'ont pas de vie en dehors du rôle qui leur est assigné. Ils ne sont que des ombres qui avancent sans plaisir, car ils sont déjà morts. Tous des archétypes donc, tous des "fonctions" plutôt que des personnages : un prisonnier ça s’évade, un bandit ça vole, un flic ça emprisonne… jusqu’à l’absurde...
Si Melville répète par deux fois presque exactement la même scène montrant Mattei (Bourvil) rejoindre son appartement, ses chats et son frigo, c'est pour l’idée qu’il n’a pas d’existence en dehors de sa fonction de flic. Idem pour le personnage de Jansen (Montand), accablé par des crises de délire illustre parfaitement cette "non-existence", mais une fois qu'il endosse son rôle de tireur d'élite, il ne tremble plus, n'a plus besoin d'une goutte d'alcool, il a retrouvé toute sa fonction…
Cet aspect fantomatique est d'autant plus magnifié par la photographie bleutée et grisâtre, la mise en scène presque excessivement tranchante et sobre ainsi que par le sous-jeu des acteurs.
Le Cercle Rouge est donc un film sublime... sublime par son primitivisme, par sa froideur, par sa simplicité, par sa fatalité et par son absence quasi-totale de sensualité.