On dirait le film du vent, celui qui souffle et ouvre les souvenirs enchâssés dans les objets et le temps.
Il y a autant de plans qu'un film d'Eisenstein mais cette rapidité est contredite, contrechantée presque, par un jeu d'acteur tout en pause, en retenue, un calme presque olympien, non sans larmes dans leurs voix.
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Revu 24.02.2021
Il s'appelle Pierre, elle, Jeanne,
comme dans un film précédent, mais avec d'autres noms. I
l a un père, vivant dit-on,
morte est sa mère,
mais on pourrait tout aussi bien dire le contraire. I
l y a Edwige,
Feuillère, plus belle que jamais et c'est elle qui le dit :
Pierre
dit peu, un mot par ci, guère.
Il écoute beaucoup et boit les paysages, les visages.
D'elle, Jeanne, à tous ces gens de passage, visages
brefs mais brûlants, filants comme des étoiles, il n'y a qu'un pas,
un voile, ce geste ; rencontres pour une photo certes
mais pourquoi alors cette séparation déchirante,
déchirant ce montage on ne sait quoi ni comment :
objets, fétiches, fleurs, silence, île sous le vent,
soulevant la colle du film et les arrêts du temps,
et les paupières, larmes coulées au réveil du jour inattendu d'un plan.
Il y a aussi au cœur de ce clair de terre
une tête couronnée et voilée, baissée ;
pudeur de la mort qui s'incline devant l'imagination de l'homme vrai, rêveur ;
tact de la mort qui enlumine les chansons populaires et les cartes postales.
Il n'y a d'autre vent sinon que le vent.
Pas de remue-ménage, de conflits dramatiques, de cette poussière vaine ;
l'image est donc pure et nette, sensible comme jamais
jusqu'à attraper les parfums, les sentiments lents et fondateurs,
apercevoir, révéler sous le seuil de la perception ordinaire les humeurs de l'homme,
de l'atmosphère et son deuil primordial.
Tout cela ne serait encore que des mots et que des images
sans cette manière de faire le cinéma :
dans chaque chose vue, on devine un tournage qui sait que le métier n'a de sens que pour créer un art de vivre, que même cinq minutes d'une prise, d'une rencontre de café ou de trottoir peuvent suffire à lester le monde de sa violence et n'en laisser que sa beauté, sa fraternelle espérance à la tristesse la plus noire.