Pour la police, il fait partie de la famille

Le "cas Tchao Pantin" est souvent évoqué lorsqu'un acteur comique va vers un rôle plus sérieux ou à contre-emploi. Beaucoup s'y sont risqués, de Kad Merad à Michael Youn, en passant par Jean Dujardin, mais pas toujours avec succès. Dans le cas d'Alain Chabat et de Patrick Timsit, le choix s'avère plus évident qu'on ne le pense. Chabat était peut-être un membre des Nuls, mais il était déjà apparu dans le film d'horreur Baby blood (Alain Robak, 1990) et son rôle dans Gazon maudit (Josiane Balasko, 1995) était finalement assez sérieux. Quant à Timsit, il revenait de Pédale douce (Gabriel Aghion, 1996), comédie douce amère où son personnage était particulièrement attachant et touchant. Au vue de certains de leurs rôles suivants, il n'est pas très étonnant de croiser ces deux acteurs dans Le cousin.


Alain Corneau est connu pour plusieurs polars (Série noire en est le plus bel exemple), mais il n'en avait réalisé aucun depuis Le Môme (1986). Il est aidé par Michel Alexandre, ancien policier ayant fait ses classes de scénariste sur L627 (1992). Le cousin reprend un aspect vu dans le film de Bertrand Tavernier : le cousin n'est autre qu'un indic de policier. Timsit joue le trafiquant de drogue rencardant le policier incarné par Chabat. Le premier est très efficace, mais ses relations avec les policiers posent problème aux grandes instances. Le problème est le même qu'avec la drogue : quand on a de bonnes relations avec la personne en question, on ne s'en défait pas si facilement. Le réalisateur et le scénariste montrent alors que malgré l'aide cruciale que le cousin amène, cela sera toujours mal vu par les autorités. Quand bien même ces dernières veulent du chiffre (aspect évoqué plusieurs fois par Philippe Magnan au cours du film) et des résultats forts.


La vie des policiers est également montrée comme catastrophique. Si le collègue de Chabat se suicide, ce n'est pas tant à cause de ses problèmes judiciaires en devenir que de sa vie familiale désastreuse, avec une femme ne prêtant plus attention à ce qu'il fait, puisqu'il n'est jamais là. Corneau montre deux fois le clip de la chanson Aïcha (Khaled, 1996) : la première fois avec la femme de Jean-Michel Noirey, la seconde avec Chabat essayant d'avoir un dialogue avec sa femme jouée par Agnès Jaoui. Cette dernière se sent également délaissée et se noie dans l'alcool. Le seul à le remarquer est Timsit, qui ne l'a pourtant jamais vu avant son passage au restaurant. N'étant pas souvent à la maison, le policier n'y a pas prêté attention et comprend alors qu'il a autant de soucis personnels que son ancien collègue. Il en est de même pour son fils, puisqu'il n'est jamais là quand le petit a besoin de lui. Tout cela amène le personnage dans une spirale infernale où il ne sait pas quoi faire et ne contrôle plus rien. D'où son coup de sang en pleine opération. Il en est de même pour les collègues qui semblent épuisés par la situation et cette politique du chiffre qui n'a aucun sens.


D'un autre côté, le fait que le cousin soit incarné par Timsit est bien vu, car l'acteur apparaît comme sympathique en apparence. Il est Il est le gars lambda, habitant un immeuble comme il y en a plein, a une femme et des enfants. Pourtant, il vend de la drogue à des gens complètement ravagés physiquement et moralement (cf les braqueurs du pmu). Le personnage est également imprévisible et va se révéler violent lors de plusieurs scènes clés. Timsit se révèle donc impressionnant dans le rôle et il ne retrouvera plus un rôle de ce calibre par la suite.


Comme sur L627, Alexandre détaille les opérations de police, ce qui rend les scènes réussies et riches en suspense. Le spectateur ne perd jamais une miette de ce qui se passe, alors qu'ironiquement il n'y a pas tant de spectaculaire dans ces scènes (si ce n'est des excès de violence). Au passage, la chanson A quoi ça sert d'Axelle Red (1996) correspond parfaitement à l'état dépressif des policiers au cours du film et elle est utilisée logiquement (l'enterrement et la toute fin, moment où le réalisateur se focalise sur Chabat), loin d'une simple utilisation pour les génériques.


A une époque où le polar français était peut-être plus présent à la télévision qu'au cinéma, Le cousin s'en était plutôt bien sorti avec 856 606 entrées (soit plus que L627). Mais curieusement, le film est tombé un peu dans l'oubli, étant assez peu diffusé sur les chaînes de la tnt. Dommage car on tient un des derniers grands polars français du XXème siècle.


Borat8
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le 4 janv. 2023

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