En décidant d'adapter fidèlement le roman éponyme de Dino Buzzati, Valerio Zurlini avait probablement conscience de se lancer dans une mission délicate : retranscrire un texte illustrant un destin inerte, l'intimité d'un cheminement intérieur, filmer l'attente sans lasser .

Jeune lieutenant fraichement diplômé d'une académie militaire d'un pays dont nous ignorerons le nom, le lieutenant Drago(Jacques Perrin) est affecté à la forteresse de Bastian, poste frontalier des territoires du nord, citadelle solitaire érigée dans un désert hanté par les lointaines attaques des guerriers tartares.

Le jeune home découvre alors une enceinte cossue, des repas abondants, des condisciples policés, une hiérarchie parfaitement établie et rassurante, tout en opposition avec les paysages de désolation qui entourent les hauts murs.

Très vite la routine et l'inactivité, tout juste entrecoupées par des événements anodins (l'apparition d'un cheval blanc...), mais maintenant la crainte d'une nouvelle attaque tartare, ont raison de son enthousiasme. Après quatre mois , il envisage déjà de demander sa mutation.

Mais, la camaraderie avec certains, la monotonie confortable de cette vie apaisante et des décisions hiérarchiques contraires vont transformer ces quelques semaines en mois , puis en longues années.

D'ailleurs, tous ses occupants restent à la citadelle, de leur plein gré, pris au piège du sablier du temps, et désorientés lorsque, contraints de quitter les murs ils se trouvent effrayés par l'idée d'une vie extérieure, pour laquelle ils n'ont plus ni appétence, ni disposition.

Comme le roman, ce "Désert des tartares" là, se veut donc, une réflexion sur la lenteur des heures, des années perdues dans une vie monotone qui s'écoule inexorablement et ternit les désirs .Une forme de décomposition qui emporte inéluctablement la fougue de la jeunesse , les rêves, lorsque l'âme se satisfait du confort: et laisse la flamme de la vie s'éteindre peu à peu.

Le processus de cette longue acceptation est porté à merveilles par le rythme de ce métrage ; qui d'abord éblouit par la beauté des images, l'immensité des paysages, puis inquiète lors des premières scène de garde à la redoute et enfin anesthésie lentement, (et c'est le seul regret que l'on peut avoir ici) dans les développements précédents la scène finale qui s'étirent un peu trop longuement.

Mais Le désert des tartares reste une œuvre forte, joliment composée, portée par un casting et des performances d'acteurs incroyables (avec une mention spéciale à Giuliano Gemma charismatique en second intimidant).

Yoshii
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le 7 janv. 2024

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