Commençons par un peu de contexte : la production du Destin d'un Homme intervient plusieurs années après la mort de Staline, Khrouchtchev accède alors au pouvoir. L'heure n'est plus au culte de la personnalité mais à l'assouplissement de la censure, ce qu'on appellera le dégèle.


Durant la période Stalinienne les films de guerre nous montraient des personnages dont nous ne savions quasiment rien, leurs vies personnelles et leurs affects nous étaient inconnus et le héros se battait pour l'amour de sa patrie. Ici, dans la lignée de Kalatozov avec son "Quand passe les cigognes", Sergeï Bondartchouck s'intéresse à l'intime de son personnage principal, qui est un homme brisé par la guerre.


Pour résumer, le film revient en flashback sur le parcours de guerre d'un Soldat Russes appelé à combattre l'ennemi allemand durant la Seconde Guerre mondiale, laissant malgré lui sa famille derrière lui.


Ainsi, au début du film nous serons montrés, sa maison, sa femme, ses enfants et son village. Le personnage de Sokolov les reverra plusieurs fois en rêve durant le film, puisant alors sa force dans l'espoir de les revoir plutôt qu'uniquement par pur patriotisme. Le film évite ainsi de tomber dans le piège d'une héroïsation grossière de son protagoniste et favorise l'identification du spectateur qui est donc en pleine empathie avec lui.


Le Destin d'un Homme est également l'un des tous premiers films à montrer l'horreur de l'Holocauste et des camps. Si l'initiative peut s'avérer extrêmement maladroite dans la plupart des cas, ici, cela est abordé de façon sobre, avec notamment cette fumée noire s'échappant des fours crématoires pour évoquer la solution finale, sans jamais la mentionner verbalement.


Voir certains films de l'après-stalinisme est aussi l'occasion de s'apercevoir à quel point ceux-ci sont en avance dans leurs mises en scène par rapport au cinéma américain de l'époque. Si Bondartchouck ne filme pas avec la virtuosité d'un Mikhaïl Kalatozov, Le Destin d'un Homme bénéficie de décors naturels, de mouvements de caméra et d'effet de montage rarement vu dans ces années-là. Nous sommes ici bien loin du statisme dont pouvaient faire preuve bons nombres de réalisateurs hollywoodiens de l'époque avec une caméra, dû notamment aux contraintes des tournages en studio et à la lourdeur du matériel.


Il est à noter que si le projet est une adaptation, il revêt un caractère très personnel pour son réalisateur. En effet, Bondartchouck, au même titre que bon nombre de ses collègues du cinéma soviétique, a participé à la seconde guerre mondiale. Celui-ci, non content de réaliser le film interprète également le rôle principal, mettant son vécu et son parcours de soldat dans le personnage.


L'ampleur de la mise en scène vient ici s'associer à l'intime pour faire du Destin d'un Homme un très grand film de guerre, d'une superbe puissance émotionnelle et humaniste en revenant sur la dureté des conditions des prisonniers de camps. Le film ne laisse pas indemne, et il sera difficile de ne pas s'émouvoir face à la fin du métrage de Sergeï Bondartchouck, qui donne tout de même une petite note d'espoir pour tous ces soldats revenus de l'enfer.


À voir absolument, le film est sorti en blu-ray cette année chez Rimini.

Christophe-Parking
8

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le 7 nov. 2023

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