Premier et déjà avant dernier film de la réalisatrice et scénariste Dolores Grassian, Le Futur Aux Trousses est une comédie de science fiction aux relents tardifs mais bien présents de mai 68. Un film politique et libertaire comme le cinéma français en faisait beaucoup dans les années 70, mais aussi un film assez étrange et bancal qui sans pleinement convaincre offre un regard assez désabusé sur la société française et une vision parfois étonnamment clairvoyante d'un avenir déjà devenu passé en 2023.


Le Futur Aux Trousses c'est l'histoire d'un capitaine d'industrie qui après avoir fait le constat que la société du loisir allait grandissante décide de faire payer aux citoyens la possibilités d'acheter une seconde personnalité selon leurs désirs et rêves secrets. Bientôt une forme d'anarchie s'empare de la France lorsque n'importe qui et n'importe ou tout le monde décide sur un coup de tête d'être un autre pour un moment plus ou moins long.


Le plus amusant lorsque l'on regarde un vieux film d'anticipation ( même si il n'en est pas tout à fait un) c'est de voir à quel point sa vision du futur s'avère avec le temps être fantasque, ratée ou pertinente. Dans le cas du film Le Futur Aux Trousses il faut reconnaître aux trois scénaristes Dolores Grassian, Patrice Chappuis et Thierry Joli une certaine acuité avec deux trois éléments éparses qui font toujours échos aujourd'hui. Cette idée de capitaliser sur le temps libres de citoyens pour leur faire payer le droit au bonheur et aux loisirs avec des ordinateurs centralisant leurs désirs secrets n'est pas loin de préfigurer les algorithmes qui nous ciblent et nous vendent du loisir et des objets inutiles à longueur de clics. Anticipant une société désindustrialisée avec un travail réduit à quelques jours le film montre clairement comment le capitalisme espère en dédoublant les individus leur faire payer deux fois le prix de leurs tristes vies. Pas vraiment optimiste Le Futur Aux Trousses montre aussi comment les désirs et les aspirations finiront centralisés, répertoriés et analysés par un pouvoir politique souhaitant lui aussi contrôler tout autant nos vies que nos rêves. Le film ne manque donc pas de pertinence et de noirceur dans une vison globalement assez désabusé de la société et même des français dont les grandes aspirations resteront souvent bassement matérialistes et vaguement libertaire ce qui fera dire à l'inventeur du concept de la double personnalité interprété par Claude Rich : "Vous êtes des cons, vous n'avez rien compris, vous pouviez changer de vie et vous ne pensez qu'a casser la gueule du patron, baisez la femme du voisin, tout vos désirs secrets c'est de la merde". Il y-avait incontestablement dans le film de Dolores Grassian le terreau fertile d'un grand film politique et contestataire dommage que le long métrage tourne assez vite à la rigolade avec une série de sketchs pas toujours bien drôles et des tonnes d'idées jetés à la volés sans trop aboutir à une véritable ligne directrice. Il reste tout de même quelques moments amusants comme ces fausses publicités qui vantent la double personnalité montrant notamment une bonne mère de famille se caressant voluptueusement la poitrine dans des désirs érotiques devant sa jeune fille médusée.


Même si le film est majoritairement interprété par des comédiens et comédiennes professionnels dont Claude Rich, Bernard Fresson, Michel Aumont et Andréa Féréol il comporte aussi des séquences amusantes de micro trottoir dans lesquels on interroge des passants lambda sur ce qu'ils pensent de l'époque, ce qu'il voudraient être si ils avaient la possibilité d'avoir une seconde personnalité et sur leurs rêves de futur. Le film fonctionne surtout dans sa première partie avec l'étude des aspirations des français et la mystérieuse invention de cette possible double personnalité via un questionnaire rentré dans un immense ordinateur. Ensuite le film peine à crédibiliser totalement son idée de vendre de l'imaginaire car vivre une seconde vie se résume souvent à se déguiser et faire le con dans un immense hangar froid comme dans un sinistre bal costumé. Lorsque les français décident de vivre une seconde vie en dehors du carcan, cela se résume à des petits sketchs entre humour potache et délire libertaire type L'An 01 avec des ouvriers qui partent en java, des couples qui échangent leurs femmes, un chauffeur de bus qui se casse à la pêche ou des cambrioleurs qui forcent tout le monde à se foutre à poil … C'est peut être l'époque de libération sexuelle qui dicte cela mais le film est aussi très orienté vers un érotisme soft dont Andréa Féréol reste l'un des plus pulpeux attrait. D'autres acteurs viennent faire leur petit numéro comme Francis Lax dont la double personnalité l'oblige à boire deux bières , fumer deux clopes en même temps puis une seule lorsque son double prend conscience des méfaits du tabac ou d'acheter deux fois le même journal. Le film prend alors des allures de comédie sympathique mais un peu bordélique, en tout cas bien loin de la sombre fable d'anticipation que laissait entrevoir le début du film.


Le Futur Aux Trousses reste une sympathique petite curiosité comme le cinéma français des années 70 était encore capable de nous offrir, un film d'une pertinente futilité et le miroir à peine déformé de notre propre époque.

freddyK
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le 22 juin 2023

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