Loin d'être parfaite, cette œuvre parlante de Koulechov fait preuve de suffisamment d'originalité pour qu'on fasse quelque effort. Il faut pour cela dépasser l'extrême raideur de la réalisation et surtout de l’interprétation où l'on devine qu'effrayés par le le sonore les comédiens appuient et isolent bien distinctement chacun de leur syllabe pour une diction hachée pénible.
En revanche, le scénario ne manque ni d'audace ni d'originalité avec une mélange de la fiction et de la réalité très poreux. Il y a 2 lignes narratives qui viennent se greffer au quotidien de Portner. La première, centrée sur un spécialiste du coffre-fort, est imaginaire mais s'inspire en espérant l'anticiper un événement de la prison tandis que la seconde est plus flou et pourrait autant être une histoire parallèle qu'une pure création... ou les deux. Sans que le changement de narration soit souligné et évoqué, on se demande régulièrement ce qui est de l'ordre du fantasme, de la projection, de la réalité ou de l'inspiration littéraire. Sur cet aspect, le film est très libre et plutôt moderne.
C'est aussi j'ai l'impression une manière pour Koulechov de braver la censure du gouvernement et continué de reproduire en Russie une sensibilité occidentale qui a déjà motivé son style (Mr West au pays des bolcheviks). Ainsi sous couvert de critiquer les USA avec un système pénitentiaire violent, raciste et déshumanisé ou gangrené par le capitalisme corrupteur et immoral (plusieurs banquiers se font la malle avec l'argent des déposants, un patron pousse son employé à se prostituer), le cinéaste peut mine de rien adapter un auteur américain et même re-créer un western fantaisiste le temps d'une histoire dans l'histoire.
Mine de rien, ca devait être assez rare et provocateur pour l'époque.


Dommage que la réalisation et les comédiens ne soient pas toujours à la hauteur même si on trouve tout de même de beaux effets d'éclairages et une bonne utilisation du son qui dramatise fortement plusieurs séquences comme le strident bruit du chariot à la fin.

anthonyplu
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le 21 janv. 2018

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