Ce portrait d'une savoureuse canaille, dont le charme tient à la description chaleureuse d'un clan au langage fleuri, qui vit dans le respect du dieu d'Israël et le mépris de la légalité, peut gêner quelque peu, car présenter ces bandits comme des braves gens tend à faire oublier qu'ils ont du sang sur les mains. C'est un peu le piège de ce genre de film qui rend ses bandits sympathiques. En fait, ils sont très proches des mafieux sicilo-américains, mais ils se démarquent par l'importance donnée aux traditions culturelles et religieuses : cérémonie de la circoncision, bar-mitsvah, jour du "grand pardon", celui qui malgré la loi divine sera un jour de vengeance pour le chef mafieux Raymond Bettoun (Le grand pardon est le jour où tous les juifs pardonnent à ceux qui leur ont fait du mal. Tous, sauf un, moi. Je pardonne pas).
La peinture du milieu juif et pied-noir évite la caricature de justesse, c'est juste pittoresque quand Hanin dans quelques scènes en fait un peu trop, et le film qui lorgne vers le Parrain (la fête du début est un clin d'oeil évident au mariage des Corleone), comporte de grandes qualités, à une époque où le cinéma français n'aimait pourtant plus le cinéma populaire.
L'un des atouts de cette fresque haute en couleurs tient moins aux manoeuvres policières qui sont sans surprise, mais plutôt dans la description psychologique d'un univers spécifique et de ses composants (le milieu juif pied-noir).
Mais la grande force de ce film est son casting magistral : en tête un Roger Hanin impérial dans une période pré-Navarro où il était encore acceptable, qui compose un portrait de boss paternaliste mais ferme ; à cause de sa faconde exubérante, de son autorité et de son charme épais, Raymond Bettoun met le spectateur dans sa poche, et pour ça, Hanin colle parfaitement au personnage. Il est suivi par la composition très sobre de Trintignant en flic pugnace, raciste et cynique, Berry et Darmon excellents qui se regardent un peu en chiens de faïence, Anny Duperey superbe en poule de luxe, Robert Hossein qui fait une petite apparition de caïd finissant par amitié de longue date pour Hanin, et une flopée d'acteurs épatants comme Benguigui, Bohringer, Giraudeau, Mestral ou Bacri, vraie révélation quasi comique de ce polar très réussi qui vaut bien par son ambiance, son rythme et certaines scènes violentes de nombreux polars américains.

Créée

le 1 nov. 2018

Critique lue 1.6K fois

22 j'aime

30 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

22
30

D'autres avis sur Le Grand Pardon

Le Grand Pardon
Ugly
8

Le parrain Bettoun

Ce portrait d'une savoureuse canaille, dont le charme tient à la description chaleureuse d'un clan au langage fleuri, qui vit dans le respect du dieu d'Israël et le mépris de la légalité, peut gêner...

Par

le 1 nov. 2018

22 j'aime

30

Le Grand Pardon
Vnr-Herzog
4

Critique de Le Grand Pardon par Stéphane Bouley

C'est l'histoire d'Alexandre Arcady qui se prend pour Francis Ford Coppola et de Roger Hanin qui se prend pour Marlon Brando. Forcément le résultat tombe à plat, et pas qu'un peu.

le 17 juil. 2010

14 j'aime

1

Le Grand Pardon
Alligator
7

Critique de Le Grand Pardon par Alligator

Grande saga familiale, qui a pourtant quelque peu vieilli sur la forme. Mais il est vrai que ce film comme la plupart des films d'Arcady a donné quelque noblesse à l'exhubérance, à l'extraversion des...

le 24 déc. 2012

10 j'aime

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

121 j'aime

96

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

95 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 4 déc. 2016

95 j'aime

45