Nicolas Winding Refn explore les ambitions humaines.



Valhalla Rising, c’est la descente aux enfers d’un mort en sursis, témoin et victime des vanités et des mensonges des manipulateurs au pouvoir.


Guerrier borgne, One-Eye est l’esclave d’un clan de vikings dans les Highlands. Pour eux, il lutte au sang, à la mort. Dans ces montagnes pesantes, attaché à la roche autant qu’enfoncé dans la terre, et dans les souffles de vents hurlants il rêve pourtant. Des rêves de sang, rouges.
Bientôt, objet de marchandage entre deux clans, il s’échappe.


Libre, il se joint à un groupe de vikings conquérants qui avancent sous la croix en se targuant de porter la parole autant que la volonté du Dieu unique au cœur de terres païennes. Il se joint à eux, de plein gré sans autre espoir que la survie ? l’aventure ? et pourtant subit encore l’injustice, les ordres, la privation. Il reste témoin de l’ambition démesurée du chef de cette troupe qui joue du prétexte de Dieu pour légitimer ses soifs de conquête et de postérité. Plus qu’il n’en peut accepter mais tant qu’on n’atteint pas à sa vie…
Y a-t-il d’autres choix sur Terre que de soumettre à la nature des hommes ?


Nicolas Winding Refn livre une œuvre moins graphique qu’était Bronson ou que seront Drive et Only God Forgives. Il est question ici de nature et de nature humaine. Les paysages d’Écosse offrent assurément moins de lignes et de symétries que les prisons anglaises, les rues californiennes ou les rings de Bangkok. Pour autant, Valhalla Rising est beau. Portraits magnifiques aux nuages lourds, contrejours dans la brume, caméra à l’épaule pour le chaos anarchique qui guide les pas du héros. Plus que beau, superbe par moments. Le réalisateur danois confirme que son souci de la forme n’est pas qu’esthétique mais qu’il sait parfaitement l’allier au fond de son récit.
Leçon de cinématographe.


Mads Mikkelsen interprète One-Eye avec une présence incroyable. Pas une ligne de dialogue mais une posture volontaire et imposante, un regard sûr et droit, toujours honnête, et des poings qui ne parlent que de liberté. Autour de lui, Gary Lewis et Alexander Morton font le job.


La religion, la société.



L’allégorie est floue, incertaine.



Mais le propos est clair, direct : la liberté n’existe pas, n’est qu’une illusion. Seule la souffrance face à cette compréhension subsiste. L’on peut bien se sacrifier pour donner de l’espoir à ceux qu’on aime, il n’y a rien de plus que les autres ici-bas. L’enfer.



Entre poésie des giclées de sang et lenteur pesante de l’existence,



Nicolas Winding Refn offre un pur objet de cinématographe intelligent et stimulant sans éclairer les brumes ignorantes plus que nécessaire. L’envie d’interpeler plus que de dire, et l’art de le faire en douceur malgré la violence du monde.
Génial.


Matthieu Marsan-Bacheré

Créée

le 1 déc. 2015

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