On est un peu hors du temps (mobilier, téléphones, voitures, chansons de Damia, chansons de Little Bob sont ceux des années 30, 50, 60 et 70) et pourtant on est totalement plongé dans notre aujourd'hui. Il faut voir le travail des couleurs, à la fois évident et subtil. Tout le film baigne essentiellement dans deux couleurs maîtresses : un bleu – vert et un rouge – ocre, que l'on retrouve dans les décors, les peintures des murs, le mobilier, les habits de Marcel comme peut-être une résonance aux couleurs du Havre, bassins bleutés dans un crépuscule illuminé du flamboiement des lumières du port. Elles donnent en tout cas une puissance incomparables aux images à la fois stylisées et finalement si réelles. C'est aussi les impers noirs du commissaire et clair du voisin qui dans leur opposition ne reflètent pas cependant le caractère stéréotypé que l'on pourrait leur porter spontanément.

André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Daroussin, Evelyne Didi, Jean-Pierre Léaud, Elina Salo, Quoc Dung Nguyen, Pierre Etaix, Roberto Piazza, François Monnie, Blondin Miguel portent le film avec le même décalage que les décors et pourtant là encore une vérité criante.

C'est un film d'émotion. On est pris à la gorge, comme rarement, quand la police ouvre le contenaire abritant les clandestins et que la caméra balaie les visages reflétant un fatalisme poignant, quand Marcel se rend à l'hôpital et voit la chambre de sa femme vide... Et pourtant jamais Kaurismäki n'utilise les ficelles faciles du mélo, du misérabilisme et du lacrymal. C'est de l'art, du grand, de l'intelligence, de la finesse. C'est éblouissant. C'est lumineux.

Aki Kaurismäki dépeint sans misérabilisme un monde éprouvé par la crise, un monde de petits, mais un monde de dignité, un monde de respect, un monde de vrais valeurs, un monde d'humanité, un monde de confiance, un monde où la solidarité est une évidence, un monde où l'autre existe. C'est un cinéaste finlandais qui comprend aujourd'hui au mieux le cœur de notre société française.

Bilan : Quand on voit Le Havre et que l'on a appris le jour-même que l'insupportable couple Beckam vient de claquer 42 000 € pour décorer sa maison de Noël on est pris d'une irrépressible nausée..
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le 23 déc. 2011

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