Jacky Tunning

Je m'étais dis au moment d'écrire la critique du premier opus de cette nouvelle trilogie de ne surtout pas se retourner et la comparer à la première trilogie du monsieur barbu mangeur de carotte, mais le film est tellement obstiné à constamment nous balancer des éléments de la première trilogie que ça en devient duuuuur.

J'ai également eu la mauvaise idée de relire le bouquin la semaine d'avant, et je peux pas vraiment dire que ça ait été profitable. Pourtant, je pense qu'en allant voir la séance avec un souvenir lointain et abstrait du livre, j'aurais vraiment pu vraiment apprécier le truc. Le premier problème plutôt frappant est le découpage temporel de l'ensemble. J'ai été surpris de voir certaines scènes assez étendues dans le livre se voir presque bâcler dans le film, surtout quand on sait le manque de consistance évident qu'aura la trilogie compte-tenu du contenu moindre du livre. Je pense par exemple à Beorn -je ne me souviens même plus de son apparence d'ailleurs-, ou au passage dans la Forêt.

Du coup ça laisse un trou scénaristique pour une grosse partie du film, trou qu'il a fallu combler à grand renfort d'orcs numériques visiblement inoffensifs. L'impression de danger est proportionnelle à l'attention que l'on porte à chacun des 13 nains. Le parti-pris du tout-numérique ne me plait toujours pas, ces fonds verts donnent clairement un aspect superficiels dont les orcs souffrent le plus, suivit de près par les décors (et enfin Ian McKellen, parait-il...). J'ai été surpris par la laideur de certains décors, absolument indignes de la Terre du Milieu (Laketown ??). Heureusement d'autres décors absolument magnifique équilibrent la balance, le plan sur les ruines de Dale par exemple m'en a foutu plein la tronche.

Certains pointaient du doigts à la sortie du premier volet le problème du ton donné au film: il est je pense de même ici, et ça semble pas prêt de s'arranger. L'alchimie entre l'ambiance, l'atmosphère du livre et la surenchère épique ne fonctionne pas vraiment. Il arrive cependant à certains moments que l'on trouve une sorte d'équilibre qui fait que la sauce prend, à mi-chemin entre le côté enfantin/conte du livre et l'épique jacksonnien, la scène des tonneaux m'a en cela vraiment plu. J'espère que cet équilibre un peu précaire se reverra dans le troisième volet.

Je pointerai également un défaut qui ne semble pas avoir échappé à grand monde: la musique. Loin d'être mauvaise entendons-nous bien, mais à des annéééééees-lumières de la qualité que nous offre habituellement Howard Shore (quelque soit le registre d'ailleurs, pas forcément épique). J'ai la critique facile, presque ad hominem, mais c'est la première fois qu'une OST est aussi absente, aussi insignifiante en Terre du Milieu, et ça se ressent très vite. J'espérais que le thème musical de "Mysty Moutain Cold" (qui apparait à 3 reprises dans la première OST, à des rythmes différents dans "The World is Ahead", "Roast Mutton", et "Over Hill") constituerait le thème principal, à défaut de la trilogie, au moins de la compagnie de nains. Mais il n’apparaît même pas dans cet opus, ne créant aucune continuité logique musicale dans la future trilogie. J'ai beaucoup de mal à comprendre ce foutoir musical. Bref, la partie musicale est clairement un des gros points noirs du film, que je trouve difficilement excusable.

Je reviens sur le découpage: on craignait que le découpage en trilogie à la place du diptyque crée des trous béants dans la trilogie, eh bien c'est le cas. Tout n'est que remplissage (comme par exemple l'amourette avec l'elfe), et on sent que l'histoire n'a pas avancé d'un pouce, avant de finir par un cliffhangher digne des séries les plus putassières.

Évidemment, tout n'est pas noir, même si Jackson semble décider à ouvrir cet univers au plus grand nombre (btw, toujours pas de sang sur les armes, super crédible) et à flatter le spectateur avec des références aussi grosses que ma bi..doche au SDA (coucou Legolas, coucou Sauron... en y pensant ces références sont vraiment le gros point lourd du film), il sait toujours y faire pour contenter les spectateurs comme moi qui viennent pourtant de consacrer les 3/4 d'une critique pour conspuer le film.

Au rang des bons élèves, pointons tout d'abord l'humour, bien plus efficace et mieux dosé. Citons aussi Martin Freeman, toujours aussi excellent dans son rôle, qui tire vers le haut une compagnie un peu plus discrète. La scène en relation avec l'anneau m'avait parue un peu malvenue au moment du visionnage mais au final elle m’apparaît bien venue: avec tout ces ajouts, on en oublierait presque qu'on parle de Bilbo dans ce film. Quelques scènes tirent vraiment le film vers le haut, celle des tonneaux comme j'ai déjà dit, mais aussi la plupart des scènes Smaug-Bilbo, qui m'a au moins autant réjouis que le Bilbo-Gollum du premier opus.

J'ai pas mal hésité entre le 6 et le 7, c'est pour l'instant plus un 6+, mais je sais que quand je reverrais le film je l'apprécierai bien plus que cette critique ne le laisse paraître. Car au final, c'est loin d'être un mauvais film, mais ça me fait mal de ternir la sacro-sainte image que j'avais de Jackson retranscrivant à l'écran les écrits de Tolkien avec une passion certaine que nous montraient les making-of du SDA.

Rendez-vous dans le troisième opus pour une ultime surenchère épique que la production voudra au moins aussi impressionnante que celle du Retour du Roi (aie aie aie).