Le monde du cinéma est en ébullition, à raison finalement.
Pensez donc, le sacro-saint 24 images/seconde est remis en cause, le dogme centenaire vacille.
Pour mémoire, ce choix n'avait pas tant été celui des artistes que des financiers, désireux de limiter les coûts tout en préservant tout de même une certaine fluidité dans le mouvement et aussi mais surtout pour permettre une révolution technique (déjà à l'époque), l'introduction du son.
C'était en effet la fréquence minimale permettant cette cohabitation.
Bien des années plus tard, notre oeil s'est accoutumé à l'effet stroboscopique persistant inhérent à la technologie, et c'est bien peu dire que la transition vers ce qui est pourtant intrinsèquement un progrès sera délicate.
Tellement occupé à occulter les méfaits des limitations du 24 ips, par pur souci routinier, ce petit fripon oculaire envoie des signaux dégradés au cerveau, altérant ce faisant tout le bénéfice du HFR, qui nous apparaît de fait par moments "accéléré", un peu comme des scènes grotesques à la Benny Hill.
De la même façon, disparu ce "voile cinéma" propre à toutes les productions que l'on a connues jusqu'ici, et le degré de réalisme y gagne ce que l'aspect fantastique y perd.
On m'accusera si l'on veut de simplement régurgiter ce que j'ai lu ici et là, mais je trouve en effet une teinte "documentaire" à cette netteté nouvellement gagnée de haute lutte.
C'est sans doute un outil qui servira le propos d'histoires adaptées, mais pour un monde fantasy, donc fictionnel, c'est parfois déstabilisant.
Alors oui l'ensemble est immersif, surtout couplé à la 3D, au point que l'on se croit quelquefois aux côtés des protagonistes eux-mêmes.
Mais, pour cette première expérience en tout cas, je ne suis pas conquis.
Ou, encore une fois, peut-être pas pour cet usage.

Nonobstant cet aspect technique donc, qu'il me semblait indispensable d'aborder même si d'autres l'ont fait bien avant, le fond du film.

Là non plus je n'adhère pas à 100%.
Je crois être d'accord avec ceux qui affirment que nous, spectateurs, sommes bien plus critiques que 10 ans en arrière, et que Peter Jackson paye le prix d'une excellente première trilogie et néanmoins adaptation.
Si ce Hobbit était sorti avant le Seigneur des anneaux, j'aurais sans doute été tout aussi enthousiaste que je le fus pour son aîné.
Mais ce n'est pas le cas, et la filiation étant indubitable et d'ailleurs assumée, ce petit Hobbit souffre de la comparaison.

Les causes sont sans doute complexes.
N'oublions pas la génèse du projet, qui devait couronner Del Toro en lieu et place du Roi Jackson, avant que ce dernier ne se voie obligé de reprendre les rênes suite à des aléas productiques.
De là à penser que la préparation ne fut pas aussi minutieuse que le bébé qu'il a gardé en gestation une petite vingtaine d'années, il n'y a qu'un pas que je franchis.
Bien sûr ce premier opus est fidèle au bouquin dans les grandes lignes, mais on ne ressent pas forcément le même amour, le même souci du détail que fût la révélation de la Communauté de l'anneau.
Peter a peut-être été un peu distrait aussi par son nouveau jouet.
La 3D HFR, qu'il est parmi les rares dans l'industrie à défendre pour le moment, lui tient à coeur et cela a pu (là en revanche je n'affirme rien) troubler un peu le travail sur le fond.
D'autant que, et cela n'engage que moi, je trouvais déjà le bouquin un peu frêle pour soutenir deux films, mais avec la volonté de refaire une trilogie il est indéniable que le rythme souffre beaucoup, bien que l'on y adjoigne de généreuses portions des annexes au Seigneur des anneaux.

Toujours est-il que le résultat est un produit un peu bâtard, hésitant entre le ton plus léger du matériau d'origine et sa cible enfantine, et des relents -sans être péjoratif- de la trilogie précédente, avec sa solennité et ce qui paraîtra très probablement comme des longueurs à des spectateurs du plus jeune âge.
L'humour, peu présent dans le SdA, prend une place bien plus prépondérante mais cela n'est pas assumé jusqu'au bout, et s'articule avec des scènes de combats relativement violents, et des passages narratifs empreints de dolence, et d'aucuns diront pompeux.
Le mélange est délicat et en ce qui me concerne l'alchimie ne se fait pas complètement, sans cesse chahuté par les changements de ton et de rythme.
L'ensemble est enlevé, et fort bien épaulé par la musique de Shore même si, @Hypérion par exemple l'a souligné avec raison, les emprunts à ses partitions précédentes dépassent parfois légèrement le cadre de l'évocation agréable à l'oreille du fan attentif pour tomber dans le copier/coller de mauvais aloi.

Vous l'aurez compris si vous avez eu le courage de tout lire, je ressors mitigé de cette expérience.
Stricto sensu, l'innovation technologique est impressionnante, difficile de dire le contraire.
La pertinence de son application à cette oeuvre est en revanche bien discutable à mon avis.
L'adaptation, qui se veut sur certains plans fidèle au conte de Tolkien, déborde du cadre un peu trop souvent pour être honnête, et cela nuit -du moins en ce qui me concerne- à la cohérence de l'ensemble mais aussi à notre adhésion à celui-ci.
C'est un excellent divertissement et une adaptation correcte, ne vous y trompez pas, mais je ne peux décemment pas lui vouer la même admiration qu'à son illustre prédécesseur, et de la même façon je serais bien en mal de vous conseiller d'y amener vos marmots, alors que le bouquin leur est très clairement destiné.
Quelque part, c'est dommage.

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le 7 janv. 2013

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SeigneurAo

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