Guillermo, je t'ai dans la peau <3
Sixième long-métrage du géant espagnol Guillermo Del Toro, après deux blockbusters réussis (Blade II et Hellboy), Le Labyrinthe de Pan voit le cinéaste retourner à une oeuvre plus personnelle, toujours aussi riche visuellement mais également plus touchante, sombre et dérangeante. Le projet du film trottait en tête de Del Toro depuis plus de vingt ans, en grande partie tiré d'un carnet de notes remplis au fur et à mesure des années de croquis, d'idées, d'éléments d'intrigues. L'idée originale était de raconter l'histoire d'une femme enceinte tombant folle amoureuse d'un faune (figure issue des rêves d'enfant du cinéaste espagnol), qui lui demanderait au final de sacrifier l'enfant afin de vivre ensemble pour toujours. Idée qu'il modifia par la suite.
L'histoire se déroule en Espagne, en 1944, dans un pays dominé et écrasé par Franco. La résistance républicaine persiste dans les coins reculés de la campagne. La jeune Ofelia part en compagnie de sa mère enceinte rejoindre le capitaine Vidal, chargé d'éradiquer les dernières poches de résistance. Amatrice de contes de fées, Ofelia commence à apercevoir des fées et autres créatures fantastiques sans que cela ne la choque, et accepte le fait d'être une princesse déchue et que trois épreuves lui permettraient réhabilitation. La jeune fille se résous à accomplir ces tâches, ce rite initiatique alors que les évènements deviennent de plus en plus terrible autour d'elle.
Le plus frappant au premier abord, c'est la maitrise visuelle et graphique de Del Toro sur son sujet. La photographie est sombre et glaciale, la musique est tantôt pressante, tantôt mélancolique. Et surtout l'espagnol nous livre ici des créatures magnifiques issues de son univers torturé : le faune appelé (à tort Pan !), les fées, la grenouille, le monstre aveugle dévoreur d'enfants... Personnellement j'ai pas vu plus classe depuis ! Et Del Toro livre une réalisation carrée, irréprochable. Mais être très joli esthétiquement film ne suffit pas à faire un bon film (coucou les derniers Burton ! Ca va ?)
Ce qui fait la force du métrage, outre la maestria graphique dont nous délecte Del Toro, c'est sans conteste son message. Le Labyrinthe de Pan parle entre autres de la perte de l'innocence et de la fuite de l'horreur quotidienne. C'est aussi une grande réflexion sur la monstruosité de l'être humain avec l'idée que, de la créature imaginaire ou de l'humain, le plus monstrueux n'est pas forcément celui qu'on croit. L'odieux capitaine Vidal, interprété par un Sergi López inquiétant et impressionnant, est le véritable monstre du film.
Et l'alternance monde réél/monde imaginaire est plus habile qu'il n'y parait, et c'est l'élément central de la narration. En effet, plus on progresse dans le film et moins Ofelia (et le spectateur donc) ressent de l'appréhension face au monde fantastique, alors que l'horreur du monde réel prend de plus en plus d'ampleur, psychologiquement et visuellement : la scène de l'exécution sans procès des braconniers, le tempérament fou de Vidal qui s'amplifie... Plus le film avance, plus les humains sont faibles, méchants, crasseux, misérables ; et plus le monde imaginaire s'éclaircit et apporte de l'espoir. Phénomène poussé à son paroxysme dans la scène finale, partie la plus noire, horrible et désespérée du monde réel et qui est la partie la plus magnifique et étincelante du monde imaginaire.
Pour conclure, en livrant son œuvre la plus personnelle, Del Toro livre aussi sans doute son meilleur film. Un conte pour adulte sombre, touchant, déchirant, morbide, ambigu et poétique. Magnifique.
« Tu deviens une grande fille et bientôt tu comprendras que la vie n'a rien d'un conte de fées. Le monde n'est que cruauté et il faudra bien que tu le saches même si ça fait mal. Ofelia, la magie ça n'existe pas. Ça n'existe ni pour toi, ni pour moi, ni pour personne »
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