Wow... quelle claque. Alors je vais livrer mon ressenti à chaud (avec toutes les erreurs d'appréciation qu'il comporte peut être): ici, Yoshida filme la femme, non pas la femme qu'on désire, mais la femme et ses désirs. Cette femme, c'est Mariko Okada ( beauté éblouissante, à se demander si c'est bien la même dans le Goût du saké): objet de fascination, de désir sexuel, possession précieuse de son mari...

Yoshida filme un monde d'hommes qui ne comprennent pas les femmes, ils ne la voient qu'avec leurs petits yeux de bourgeois pressés (le mari), de voyeurs pervers (le photographe) ou d'amant fascinés (Kitano). Très vite on pense à Antonioni: mutisme des plans et des personnages, plages et falaises désertes qui rappellent L'Avventura, et évidemment incommunicabilité entre l'homme et la femme.

Et comme Antonioni, Yoshida semble penser que si l'homme est voué à ne rien comprendre à la femme, à la représenter comme les nymphettes du film devant lesquelles l'héroïne et son partenaire passent , la femme est à même de sortir partiellement de cette incompréhension des genres. En effet, dans la dernière partie de l'œuvre, c'est comme si le spectateur (représenté par ce photographe voyeur et faussement complexe) pénétrait le film: ça y est, il a accès à la muse ("je crois que j'étais amoureux de vous" dit -il alors qu'il ne l'a jamais contemplée que de loin, ou en photo), et sa vision idéaliste de la femme se heurte à la réalité: la femme n'est pas ce que la caméra, l'appareil photo capture. Ainsi je vois les scènes d'amour entre le photographe et Okada comme une sorte de manipulation subtile, comme si la femme analysait peu à peu cet homme qu'elle n'aime pas, pour finalement constater sa vanité affective, et le pousser dans le vide pour lui faire comprendre à quel point il n'a rien compris. "Tu me trouves monstrueuse?" et le voyeur part, abasourdi, la caméra entre à nouveau dans le tunnel de l'incompréhension ,fondu au noir, fin.

Bon je ne parle pas de la photo juste hallucinante, comme si Yoshida ajoutait son esthétique japonaise doucement subversive à celle d'Antonioni, en parsemant le tout d'idées de cinéma judicieuses (le rideau se tirant et laissant le visage d'Okada sur un fond noir permettant d'entrevoir la solitude de l'héroïne, la gestion du clair-obscur dans la scène où Okada couche avec son voyeur comme pour symboliser la dualité homme/femme dans la relation amoureuse...).
L'ensemble est bouleversant de justesse, une pure merveille de cinéma que je prendrais plaisir à revoir.
JohnnyBlaze
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le 16 juin 2014

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JohnnyBlaze

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