Au théâtre ce soir

Le Limier est, selon moi, loin d'être un chef d'œuvre du cinéma : l'impression d'assister à une représentation théâtrale est vraiment prégnante tout au long du film, et pour cause puisque c'est à l'origine une pièce d'Anthony Schaffer, qui en assure par ailleurs l'adaptation scénaristique. Quelques mouvements de caméra bien sentis et courtes séquences en extérieurs ne suffisent pas à en faire une œuvre cinématographique totale. Et puis, le dernier acte tire un peu en longueur.

Néanmoins, c'est un film qui revient de loin : Laurence Olivier, sous médicament, peinait à se souvenir de ses répliques, tandis que le réalisateur Joseph L. Mankiewicz souffrait de problèmes de santé, en plus d'avoir été victime d'un accident sur le tournage le contraignant à diriger son film depuis une chaise roulante. Mais à l'image, l'illusion est presque totale. Laurence Olivier offre une interprétation de grande qualité face à un Michael Caine très convaincant. Leurs joutes verbales, soutenues par des dialogues d'une grande précision dans l'expression du mépris de classe que l'un offre à l'autre, sont d'une excellente tenue.

Côté mise en scène, Mankiewicz bénéficie de l'expertise du chef décorateur Ken Adam (la saga James Bond, Docteur Folamour), lui concevant ce majestueux décor de château anglais dans lequel se déroule l'intrigue. Par ailleurs, la présence des automates ornant les différentes pièces renforcent la nature retorse des échanges autant qu'elle traduit l'esprit ludique et manipulateur du personnage du romancier joué par Olivier. Et le film, avec intelligence, de faire du contrôle de ces marionnettes, l'enjeu de ce "bloody game".