L'art de la démesure et un DiCaprio magistral

Je ne vais pas mentir, je ne suis pas familier des films de Martin Scorsese, je ne suis pas vraiment la cible de ses très longs films masculo(voire gangstero)-centrés et je pense n’avoir vu de lui que Shutter Island (que j’avais adoré pourtant) et… Hugo Cabret. Les thèmes abordés par Martin Scorsese, ce n’est pas vraiment ma came, alors pourquoi Le Loup de Wall Street plutôt que Taxi Driver, Raging Bull ou Les Affranchis ? Peut-être parce qu’un Leonardo DiCaprio en costard de golden boy, ça promet des choses intéressantes…


Et de fait. Enfin, je ne pense pas que j’étais préparé à ça. Leonardo fucking Di fucking Caprio, mais qu’est-ce qu’il avait pris avant de jouer ce film ? Manifestement autant de choses que ce qu’il ingère à l’écran. Car voilà, c’est quand même le fait le plus marquant du Loup de Wall Street : c’est un film de débauche complète, la démesure, la folie, le sexe et la drogue sont au centre d’un paquet de scènes mémorables. Pourtant, la voix off (et clean) de Jordan Belfort (le courtier joué par Leonardo DiCaprio) vient souvent ponctuer ces moments d’une façon à nous ramener dans la réalité et il s’agit là d’un des délicieux effets du film.


Je ne sais pas comment fait Scorsese pour nous tenir en haleine pendant 3h alors que dès les premières minutes, l’affaire est pliée, on sait plus ou moins où l’histoire va nous mener. La réalisation semble assez classique et les ficelles (dont par exemple, cette voix off qui nous sort du film à certains moments choisis) éculées. Pourtant, on s’accroche à l’histoire de ce pauvre type, les enchaînements sont magistraux, chaque scène est utile et efficace. L’effet de surprise des différentes scènes de débauche doit aider à maintenir le rythme, ces scènes où l’on observe, incrédule, des mecs défoncés accomplir les pires actions. Les films comme Very Bad Trip peuvent aller se rhabiller face à ce niveau de démesure.


Et revenons quand même au cas Leonardo DiCaprio qui est juste magistral… et magistralement gênant dans ce film. Si l’on fait « pause » à certains moments dans le film, je me dis qu’il a été quand même vachement couillu d’oser se lâcher autant, de faire ce genre de têtes que l’on garde pour le miroir de sa salle-de-bain, lorsqu’on est seul à la maison et qu’on se sent libre d’imiter les soubresauts d’une hyène en chaleur (bref, ce qui m’arrive tout le temps, personnellement). Et évidemment, je ne trouve pas DiCaprio remarquable uniquement dans ces moments de jeu extrême, il est tour à tour sérieux, charismatique, sensible, énervé ou amical : une palette d’expressions assez incroyable où l’on comprend pourquoi tout le monde s’indignait qu’il n’ait reçu sa statuette du Meilleur acteur qu’en 2016 pour The Revenant (méritée également, dans un autre registre et une autre palette d’expressions).


Le Loup de Wall Street est inspiré d’un livre écrit par le vrai Jordan Belfort et si la moitié de ce qui a été porté à l’écran est vrai, c’est assez affolant. Pour autant, et ça a l’air d’être la marque de fabrique de Martin Scorsese, on ne peut pas s’empêcher d’avoir de la sympathie pour ce truand.


Juste une remarque sur le reste du casting, tout à fait brillant même si, forcément, un peu éclipsé par la personnalité de Belfort : il s’agit ici du premier grand rôle de Margot Robbie, je pense, et c’est dommage qu’il s’agisse d’un personnage important (le seul rôle féminin remarquable) mais sans réel impact sur le scénario, autre que l’épouse qui ne se laisse pas trop faire, mais c’est tout. Globalement, il n’y a pas de place pour les femmes dans ce genre de film, et comme pour Les Misérables, c’est peut-être réaliste, mais inquiétant.


Critique publiée ici : https://lecrandegontran.wordpress.com/2020/06/18/le-loup-de-wall-street-de-martin-scorsese/

GastonDas
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le 18 juin 2020

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Gaston

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