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C’est à cause de sa durée de près de 3h que j’ai tardé à voir Le loup de Wall Street… et au bout de 2mn seulement j’ai senti que le visionnage allait m’être insupportable.
Le personnage principal de Jordan Belfort est un enfoiré qui a tout pour être détestable, mais dont Scorsese veut rendre fun l’arrogance, et la démesure de son mode de vie décadent, par une réalisation dynamique, et un montage qui joue sur les changements de ton brutaux, et surtout un ton décalé en permanence.
D’une désinvolture totale, DiCaprio fait le mariole, il se tape de la coke sur le cul d’une prostituée tout en évoquant ses déboires avec le FBI, il cite toutes les drogues qu’il consomme en déambulant dans son manoir, avant de balancer son verre de jus d’orange en arrière-plan comme dans n’importe quelle comédie lourdingue, histoire de montrer qu’il est trop cool et qu’il n’en a rien à foutre de quoi que ce soit.


Les comportements sont exacerbés à fond pour en tirer au maximum un potentiel lolesque ; Jordan arrive à son nouveau boulot et on lui sort "tu es une sous-merde", mais oui bien sûr. Trop drôle.
Le film se tourne vers tout ce qui va faire ricaner le public le plus aisément possible, et la vulgarité en fait partie. On a du fuck, shit, cocksucker pour n’importe quelle raison, sans que ça ait forcément un lien avec la situation. Les courtiers sont prêts à décrocher leurs téléphones : "Let’s fuck !".
Scorsese aime déjà d’habitude verser dans les injures, ça se fait rare dans les films Américains donc quand un réalisateur gagne suffisamment de notoriété il se lâche, comme pour Tarantino, mais dans Le loup de Wall Street l’excès de grossièreté n’est qu’un des ressorts comiques paresseux.
Si on fait abstraction de la tonne de faux-raccords que compte ce trop-long-métrage, la réalisation comporte quelques belles idées, dont l’application a dû être complexe, mais dans le fond pour moi ça n’est pas tellement mieux qu’un Projet X de luxe, où l’on cherche tout du long à amuser par des récits de drogues et de putes en abondance.
Et encore, Scorsese s’abaisse à utiliser des procédés comiques tellement convenus : débuter le film par une scène "délirante", celle du lancer de nains (sigh), qu’on interrompt en un arrêt sur image, avant de revenir en arrière. Un gimmick qu’on a tellement vu ces dernières années, dans d’honteuses comédies.
Et comme si, tel son personnage, le cinéaste avait tellement de fric à disposition qu’il ne savait plus qu’en faire, il en profite pour des effets complètement gratuits : Belfort qui raconte que sa Ferrari n’était pas rouge mais blanche (hein, quoi ? mais personne n’est allé dire que ta voiture était rouge), sans justification, juste parce que c’est rigolo de faire changer la couleur de la voiture par des effets spéciaux, en un seul plan.


Alors le rythme et l’implication des acteurs nous emportent pendant un temps dans leur délire ; il y a cette énergie de coké, des répliques perchées, quelques impros qui font sourire.
Le film se laisse suivre parce que ce schéma de success story, où on voit un type insignifiant grimper les échelons par son audace, a quelque chose de prenant. Si ce n’est qu’ici, Belfort gagne du fric grâce à des arnaques, et c’est intéressant de voir comment il escalade dans la malhonnêteté… quoique c’est traité bien trop brièvement. A chaque fois que le héros débute des explications sur le fonctionnement de ses magouilles, il s’arrête en cours de route, estimant que le spectateur ne peut comprendre de quoi il parle. Bien sûr, revenons à l’essentiel : la drogue et le sexe.


Une des choses les plus regrettables c’est que le sujet aurait pu être traité de façon bien plus intéressante s’il avait été pris au sérieux, et qu’on avait évité tous ces gags faciles pour une exploration plus complexe des personnages.
Jordan Belfort commence en tant que courtier à Wall Street, où il est corrompu par son patron, avide de fric. Et rien que là, plutôt que de faire comprendre subtilement le changement chez le héros, on déballe tout dans les dialogues, d’une franchise absolument dépourvue de naturel. "Tu prends le fric des clients et tu le mets dans ta poche". Au moins c’est clair.
Je sais que c’est à des fins comiques, mais il n’y avait pas à faire un film aussi con pour autant.
Le loup de Wall Street est d’une lourdeur complète, et DiCaprio fait tout pour faire atteindre un niveau de débilité atterrante à des scènes qui auraient pu être agréables : quand il montre comment embobiner un client au téléphone par exemple… il a fallu qu’il fasse mine d’enculer son interlocuteur en même temps.
L’acteur en fait des tonnes, probablement parce qu’il veut son Oscar et sait que ce qui va marquer les gens, c’est une performance outrancière.
Qu’est-ce qu’on m’a fait chier à répéter pendant des années qu’il méritait son Oscar. La seule raison pour laquelle je suis content qu’il l’ait eu, c’est parce que j’aurais plus à supporter ce type de discours. Il y a des acteurs autrement plus subtils, qui n’auront jamais cette récompense, parce qu’ils ne sont pas sous le feu des projecteurs.
Je ne dis pas que DiCaprio est forcément mauvais acteur, mais ici il prouve uniquement qu’il sait gueuler, il sait être débordant d’énergie, et tenir des discours fébriles pour motiver ses troupes. Comme le ferait un porte-parole à un séminaire d’entreprise.
Son hystérie a fini par me prendre la tête, et il ne véhicule pas d’émotions tellement plus complexes.
En même temps, le personnage se réduit à ce qu’on voit durant ces orgies de sexe et de drogue, tandis que les rapports entre les protagonistes sont presque inexistants. Sa relation avec sa femme se limite au fait de vouloir la sauter parce qu’elle est bonne ; on ne voit rien de son amitié avec son bras droit, donc quand l’autre lui propose son aide et qu’il lui dit "tu sais que je ferais la même chose pour toi", j’ai cru à un mensonge (en fait, non) ; et Jordan semble tenir à la garde de ses enfants… alors qu’on ne le voit pratiquement jamais interagir avec eux. En fait, on ne voit même qu’un seul des gosses, alors qu’il est censé y en avoir plusieurs ! Hallucinant.


Il était facile de prévoir comment ça allait se finir : après presque 3h passées à rendre fun le mode de vie de Jordan Belfort, on nous montre que c’est pas bien.
Ce qui m’évoque fortement cette parodie des pubs pour alcool dans South park : https://youtu.be/WrVLB3MtUjo
Enfin non d’ailleurs, on nous montre Belfort se faire rattraper par la justice, mais le film ne pose pas de regard différent sur la façon dont ont été abordés tous les évènements jusque là. Cette conclusion ne change rien au fait qu’on ait par exemple montré Belfort essayer de se taper une hôtesse en plein avion, avec une mise en scène censée rendre ça comique.
J’aurais pu aimer le léger cynisme de la toute dernière séquence, qui sous-entend que le héros n’aura aucunement changé, si le film n’avait pas passé tout son temps à, d’une certaine façon, cautionner les agissements du personnage en les présentant comme funs.
Et puis, 3h pour en arriver là…
Incroyable, mais j’ai quand même vu Le loup de Wall Street en entier…

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le 18 nov. 2016

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Wykydtron IV

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