Les films de politique-fiction, c’est véritablement un genre casse gueule. Ça a d’ailleurs très rarement été fait dans le cinéma français. Déjà, vous êtes sûr de vous aliéner une grosse partie du public, tous ceux que la politique n’intéresse pas. Ensuite il faut trouver une intrigue qui ne soit pas trop technique ni trop peu crédible, un réalisateur qui maitrise à fond son sujet, un dialoguiste inspiré et des acteurs particulièrement doués.


Et fort heureusement, ici, on a tout : La base est un roman de George Simenon, c’est déjà un gage de qualité. Là où c’est très fort, c’est ce que ce film a beau avoir plus de 50 ans et se dérouler durant la IVe république, il pourrait tout aussi bien dater de cette année, il aborde des thèmes encore brulants aujourd’hui. Quand les intérêts politiques entrent en jeu avec les puissances financières, la place de la France dans l’Europe…


Jean Gabin joue Emile Beaufort, un ancien président du conseil (premier ministre) qui écrit ses mémoires. Et autant dire que quand on voit le caractère du bonhomme, on se dit que n’importe quel homme ou femme politique actuel gagnerait à avoir une telle stature. Il faut dire que si le film a un point fort en particulier, ce sont les dialogues de Michel Audiard, qui a réalisé un superbe boulot. Emile Beaufort a une répartie et une verve assez formidable. Bernard Blier joue Philippe Chalamont, son ancien chef de cabinet, veule à souhait.


Et croyez-moi, ces deux là nous donnent une leçon de gouaille, le film est bourré de répliques formidables. Je pense à une scène en particulier, celle de l’assemblée nationale. 20 minutes de grand cinéma. Impressionnant. C’est aussi une leçon de polyvalence que donne Jean Gabin. Dans le film Archimède le clochard, il tient le rôle d’un clodo. Ici, tout à l’opposé, celle d’un homme d’état à la haute stature. Et bien croyez-moi, il est tout aussi convainquant dans les deux rôles.


Les tenants et les aboutissants sont clairs, Henri Verneuil nous offre une plongée dans les coulisses de la politique. Les séances « animées » à l’assemblée, l’importance des médias, le chantage, les magouilles plus ou moins légales… Manichéen ? C’est beaucoup dire. Si Beaufort est présenté comme un idéaliste intègre et globalement honnête, on nous montre bien qu’il est tout de même réaliste et se résigne à prendre une décision qui ne sera pas sans faire de casse. Chalamont est la parfaite crapule versatile mais on ne le montre pas non plus acceptant des valises de billet verts.


Le rythme n’est pas très rapide mais je ne considère pas ça comme des longueurs mais comme un refus de facilité. Pas de coupes rapides comme dans un film Hollywoodien d’aujourd’hui, on prend son temps, et c’est plus opportun que jamais lors de scènes très solennelles. On pourrait aussi trouver le tout un brin théâtral et par conséquent caricatural, mais l’âge du film ne doit pas être oublié. J’insiste donc : Dialogues aux petits oignons, intrigue claire, acteurs brillants, Henri Verneuil a réalisé un chef d’œuvre. La génération actuelle ferait bien d’en prendre de la graine.

The Reg

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